Cyril, aide-soignant depuis 6 ans en chirurgie gastrique, est « totalement en grève mais totalement réquisitionné »
© Françoise Vlaemÿnck
#8novembre
Entre coupes budgétaires, dégradation des conditions de travail, sous-effectif chronique et absence de reconnaissance, les paramédicaux de la Timone à Marseille sont à bout de souffle. Plusieurs dizaines d’entre eux ont manifesté le 8 novembre dernier à l’appel des centrales syndicales et des organisations professionnelles.
« Une grève, j’étais pas du tout au courant ! », lance Virginie*, technicienne de laboratoire au CHU de la Timone, le vaisseau amiral de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, qui fait une pause à l’arrière du bâtiment – un café dans une main, une cigarette dans l'autre – à l’abri du mistral glacial qui souffle sur la ville. Même étonnement chez sa collègue qui regrette que l’information « circule mal ici parce que on a peu de contact avec les autres personnels. De toute façon, on n'aurait pas pu la faire car est encore en CDD. Mais je suis pour », dit-elle. Un peu plus loin, Cyril, aide-soignant depuis 6 ans en chirurgie gastrique, est « totalement en grève mais totalement réquisitionné ». Sur sa blouse blanche, « En grève » est d’ailleurs inscrit au feutre. Une façon pour le jeune soignant de marquer son soutien « aux collègues qui débrayent aujourd’hui » et aussi d'éviter qu’on ne se méprenne pas sur sa présence à son poste. « S’en prendre à l’hôpital public, c’est s’en prendre aux patients. Et ça, c’est inacceptable », déclare-t-il.
Patricia, infirmière dans le même service s’apprête à rejoindre le rassemblement au Vieux Port à l’appel de la CGT et de Sud santé. « Notre cadre nous soutient, elle n’a pas réquisitionné les titulaires pour qu’on puisse aller manifester », explique-t-elle. Depuis 4 ans, Patricia mesure la lente dégradation des conditions de travail et la surcharge qui va avec, sans traduction concrète sur son bulletin de salaire. « On ne peut plus continuer comme ça, tempête-t-elle. Nous sommes régulièrement 2 infirmières pour un service de 40 patients lourds au lieu de 4. Et nous faisons aussi le brancardage, car il n’y a plus de personnel pour cette fonction. » Le week-end dernier, il n’y avait plus de draps dans le service et il est courant que les infirmières et aides-soignantes doivent aller chercher les repas des patients, car il y n’y a pas suffisamment de personnel pour assurer la distribution dans les services. Côté matériel, ce n’est pas mieux. « On n’a plus ni tensiomètre, ni thermomètre. Si on en veut, il faut les acheter. Ce que j’ai fait. Plus grave encore, depuis des mois, il n’y a plus qu’un seul chariot d’urgence pour deux unités ! Et je passe sur la vétusté des locaux et de certaines chambres. Un scandale permanent », détaille-t-elle. « On a peur pour nous, car avec le manque de personnel, on travaille 6 jours sur 7, mais on a peur aussi pour les patients. Quand les services tournent avec de jeunes diplômées et des intérimaires, où sont la sécurité et la qualité des soins tant vantées », interroge-t-elle.
Malgré ce sombre tableau, la prise en charge des patients a été, comme chaque jour, assumée par les équipes dans le service. Mais pour combien de temps encore et à quel prix pour les soignants ?
Françoise Vlaemÿnck
*Les prénoms ont été changés.