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ÉPIDÉMIE
En 2015, 18 000 personnes sont décédées à cause de la grippe ou de ses complications, rapporte Santé publique France. Et l’épidémie qui sévit actuellement pourrait faire encore plus de victimes. Un contexte qui conduit les pouvoirs publics à réfléchir à l’obligation de vaccination des soignants chez qui la couverture vaccinale reste faible. La mesure ne fait pas l’unanimité.
La grippe saisonnière, qui pourrait faire, cette année encore, des milliers de victimes, et dont le pic épidémique est attendu dans les tout prochains jours, relance l’obligation vaccinale annuelle des professionnelles de santé, particulièrement ceux prenant en charge des patients âgés et/ou immunodéprimés. Si la disposition existe dans le code de la santé publique depuis 2006, Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, l’avait suspendue par décret. Stigmatisées depuis plusieurs jours par Marisol Touraine mais aussi les médias, du fait du faible taux vaccinal au sein de leur profession, seulement 24,4 % des infirmières seraient aujourd’hui vaccinées contre la grippe, la mesure étant loin de faire l’unanimité. Sur les réseaux sociaux, elles sont nombreuses à dire tout le mal qu’elles pensent de cette obligation. « Inacceptable, qu'on ne nous laisse pas le choix de notre santé surtout ! Je pense qu'on est assez grandes et suffisant formées pour prendre les bonnes précautions ! », lance Mathilde, quand Elena pense « que chacun à le droit de choisir ! »
Bénéfice/risque
Infirmier de santé publique à l'ARS Bourgogne, Pedro Conches, estime, quant à lui, que « ne pas se vacciner contre la grippe lorsqu’on travaille auprès de personnes âgées ou fragiles équivaut à une faute professionnelle ». Mais il estime cependant que l’obligation n’est pas forcément la meilleure des solutions et que l’éthique professionnelle de chacun doit être interrogée. Pour Eva, qui travaille dans un établissement de soins de suite et de rééducation (SRR), et qui se déplace quotidiennement au domicile de patients, l’obligation de vaccination n’est pas le problème. « Elle existe déjà, une de plus ne vas pas changer grand chose (1). Se vacciner, c’est se protéger soi mais aussi les autres. Surtout qu’à domicile, on peut facilement contaminer nos patients déjà très immunodéprimés. ». Et d’ajouter : « Aujourd’hui, ça fonctionne sur le mode du volontariat, l’établissement nous propose la vaccination anti-grippale chaque année gratuitement sur le lieu de travail, ça demande donc pas beaucoup d’efforts. Très peu de soignants y adhèrent pourtant. » L’infirmière avoue pourtant être en contradiction avec ses propres propos puisqu’elle n’est pas vaccinée… « Mais ce qui se passe en ce moment me sensibilise évidemment. Sans doute qu’on a perdu de vue le principe de bénéfice/risque », admet-elle, estimant aussi que le bashing anti-vaccin qui sévit depuis des années a fini par produire ses effets. « L’idée que se faire vacciner était dangereux ou ne servait à rien s’est imposée dans beaucoup d’esprits, y compris chez les professionnels de santé, en dehors de toute raison et contre l’évidence scientifique. »
Rôle élargi
« La vaccination des soignants est susceptible de réduire la mortalité et la morbidité des personnes âgées dans les services de long séjour. Cette proposition mérite donc d’être explorée car dans tous les cas, étendre la couverture vaccinale des soignants ne pourrait donc être que bénéfique, ne serait-ce que pour une question d’exemplarité », a souligné Didier Borniche, président de l’Ordre national des infirmiers dans un communiqué de presse ce 13 janvier. L’Ordre estime également que pour améliorer la couverture vaccinale, le rôle des infirmières pourrait également être élargi : « Les infirmières vaccinent sans prescription médicale préalable les personnes âgées de plus de 65 ans et atteintes de certaines pathologies chroniques, à l’exception de la primo-vaccination. […] Mais pourquoi ne pas élargir ce rôle à une population plus large, et prioritairement l’entourage des personnes fragiles ? ». La question se pose effectivement même si elle ne résout pas le problème du faible pourcentage d’adhésion des infirmières au vaccin contre la grippe…
Françoise Vlaemÿnck
1. Les professionnels de santé doivent être vaccinés contre la diphtérie, l’hépatite B, la poliomyélite, le tétanos, et la typhoïde.