02/03/2017

L'hôpital, lieu de formation et de maltraitance

Dans son livre « Omerta à l'hôpital » dénonçant les humiliations que connaissent les étudiants en santé, Valérie Auslender, médecin généraliste attachée au pôle santé de Sciences Po, révèle le climat délétère dans lequel évoluent les aspirants infirmiers, médecins ou sages-femmes. Témoignages à l’appui, cet ouvrage dépeint une souffrance devenue ordinaire.

Espace Infirmier : Comment est née l'idée de ce livre (1) ?
Dr Valérie Auslender : Tout au long de mes études médicales, j'ai été témoin de maltraitances en tous genres : humiliations, violences physiques, harcèlement sexuel... Une violence gratuite et dénuée de toute valeur pédagogique. Dans le cadre de mon doctorat, j’ai interrogé 1 472 étudiants en médecine, dont 40 % avaient été personnellement confrontés durant leurs études à des pressions psychologiques, 50 % à des propos sexistes, 9 % à des violences physiques et 4 % à du harcèlement sexuel. J'ai donc lancé un appel à témoins. Et en moins d'une semaine, j’ai recueilli une centaine de témoignages d’étudiants en santé, que j’ai d'ailleurs publiés dans cet ouvrage. Un panel d'experts (2) a également réagi à ces textes pour comprendre l’origine des maltraitances.

Justement, quelles en sont les causes ?
Il ne faut pas nier la responsabilité individuelle des professionnels de santé impliqués. Les experts qui interviennent dans le livre sont par ailleurs unanimes pour souligner les effets néfastes des nouvelles techniques de management à l'hôpital privilégiant la rentabilité et la productivité au détriment de la qualité des soins. Quand on est en sous-effectif, on n'a plus le temps de s'occuper des patients, et encore moins de former les étudiants. Et parfois, cela va au-delà... L’un des experts explique notamment qu’avec leur naïveté, les étudiants peuvent pointer du doigt la trahison de l’éthique professionnelle que les soignants ont refoulée. L’étudiant devient alors « l’ennemi » du soignant.

Comment cette situation peut-elle changer ?
Il faut revaloriser le soin, apporter aux soignants des moyens humains et économiques suffisants pour soigner leurs patients et former leurs étudiants. Les étudiants doivent également oser en parler, et l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) doit créer un groupe spécifique sur la question. Il faut par ailleurs que les victimes soient prises en charge par des professionnels formés au psycho-traumatisme. Il s’agit là d’un véritable problème de santé publique. Ce livre n’a pas de valeur généralisatrice car nous n’avons pas encore d’enquête de victimation pour quantifier ces violences. Pourtant, même si celles-ci concernent une minorité d’étudiants, elles existent, sont intolérables et ne peuvent plus être banalisées.

Propos recueillis par Adrien Renaud

1. Omerta à l’hôpital, le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé, Dr Valérie Auslender,
éd. Michalon, 2017, 21 €.
2. Christophe Dejours, psychiatre, Cynthia Fleury-Perkins, philosophe et psychiatre, Didier Sicard, ancien chef de service de médecine interne de l'hôpital Cochin, Céline Lefève, maître de conférences, Emmanuelle Godeau, médecin de santé publique et anthropologue, Gilles Lazimi, médecin généraliste, Bénédicte Lombart, infirmière cadre de santé, et docteur en philosophie, Isabelle Ménard, infirmière puéricultrice cadre de santé et formatrice en Ifsi, et Olivier Tarragano, médecin directeur du Pôle Santé de Sciences Po.

Les dernières réactions

  • 02/03/2017 à 16:08
    Pierre
    alerter
    Cet ouvrage a le mérite de mettre en lumière un tabou qui perdure depuis bien trop longtemps. Néanmoins, il ne faut pas TOUT mettre sur le dos du manque de moyens, qu'il s'agisse des équipements ou des ressources humaines. En effet, la dynamique de groupe
  • 02/03/2017 à 19:26
    blaise
    alerter
    L'enseignement donné en institut de formation est peut-être inadapté au monde du travail et aux conditions qui y règnent.
  • 02/03/2017 à 19:58
    solange granier
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    Ce n'est pas d'aujourd'hui que la formation dispensée en IFSI est en décalage avec la réalité du terrain. Constat qui s'est encore aggravé depuis 2009 et la formation universitaire !
  • 03/03/2017 à 07:03
    blaise
    alerter
    La profession infirmière dysfonctionne totalement.
    Elle devrait prendre soin et elle maltraite.
    Elle devrait être aidée et elle est réprimée.
    Elle ne sait plus former ses professionnels.
    Elle accepte une organisation corporatiste sensée la représenter
  • 03/03/2017 à 08:00
    Pierre
    alerter
    C'est un peu facile de taper sur la formation et les IFSI.... mais venant de nos compères Solange et Blaise, je dois dire que je n'en n'attendais pas plus en termes de mauvaise foi et d'humilité.

    Est-il nécessaire de rappeler que la formation des étud
  • 03/03/2017 à 08:03
    Pierre
    alerter
    pardon pour les 2 coquilles...
  • 03/03/2017 à 08:30
    solange granier
    alerter
    Si les enseignants en IFSI sont aussi "à côté de la plaque", faut pas être étonné du faible niveau des ESI sur les terrains de stage.
    Je me suis entendue répondre par un ESI 3 ème année à ma question sur les normes du iono sanguin que "c'est pas dans le
  • 03/03/2017 à 10:26
    Pierre
    alerter
    ...de même que tous ces IDE qui ne prennent plus la peine d'analyser les bilans sanguins et qui se contentent de récupérer les résultats et de les classer bêtement en se disant que c'est l'affaire du médecin ! Je suis navré de vous l'apprendre, mais le ni
  • 03/03/2017 à 19:42
    moutarde
    alerter
    Les ESI étant soit disant formés à 50 /50, le contre-modèle, c’est aussi certains planqués de l’IFSI (9h-17h 5 jours/7) qui passent leur temps à baver sur leurs collègues de terrain.

    Quant aux exemples de Pierre, comme on dit : « Quand on entend qu’un
  • 04/03/2017 à 11:01
    Pierre
    alerter
    Je ne me sens nullement concerné par votre vision du métier de formateur. Décidément vos commentaires et vos analyses touchent de plus en plus le fond. C'est assez pathétique, surtout pour celles et ceux qui revendiquent un droit au respect...

    Pour v
  • 04/03/2017 à 11:31
    moutarde
    alerter
    Tant mieux et bon vent !
    Parce que on s’en fout de ton emploi du temps détaillé et invérifiable.
    Quant à tes cours, tout le monde sait que la trame est identique d’une année sur l’autre pour un même sujet.
    Sinon (et c’est tant mieux hein) mais je n’ai
  • 04/03/2017 à 16:16
    Pierre
    alerter
    ouhhhhhh..... on dirait que j'ai piqué là où ça fait mal.... tout doux Moutarde... on se calme et on ne vouvoie pas les gens sans leur autorisation...

    Un peu simplet aussi le "tout le monde sait que...". Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas.
  • 05/03/2017 à 06:44
    solange granier
    alerter
    Pierre est en décalage avec la réalité du terrain infirmier. Un peu comme Fillon qui plane dans les hautes sphères, en décalage avec la vraie France du quotidien.
  • 01/05/2017 à 13:15
    Geo G
    alerter
    Moi je suis étudiant infirmier en 4eme année, je m'explique j'ai fais une depression en 3eme année, je me suis arreté un an pour faire AS et la je reprends avec un peu plus de recul par un stage en hopital publique. Le soucis n'est pas des planqué que se

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