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SALON INFIRMIER
Sophie Chrétien, infirmière clinicienne spécialisée exerçant en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP), a présenté au Salon Infirmier, les résultats de son étude sur le sentiment d’angoisse des infirmières qui prennent en charge des patients en fin de vie dans des services qui n’y sont pas dédiés.
La mort, un tabou à l’hôpital. « L’infirmière, comme le reste de la société, n’a pas envie d’en entendre parler, explique Sophie Chrétien qui a effectué ce travail de recherche dans le cadre de son master de recherche. La confrontation de l’infirmière à la mort n’est pas plus simple que pour toute autre personne. » Elle a ainsi mené une recherche qualitative afin de décrire le phénomène d’angoisse vécu par des infirmières auprès de patients en phase terminale de la maladie cancéreuse dans les services dont la spécialité n’est pas la fin de vie. Une étude basée sur des entretiens réalisés dans un seul service, auprès de deux patients et de quatre infirmières qui les prennent en charge.
Tous les patients n’étant pas orientés en unité de soins palliatifs, il y a, dans les autres services, généralement des lits, identifiés comme tels, qui permettent d’accompagner ces patients. « Pour les infirmières de ces services, il s’agit d’un grand écart, car elles passent de la prise en charge d’un patient qui n’est pas là en situation de fin de vie, à un autre qui l’est, rapporte Sophie Chrétien. Ce qui m’a interpellée dans ces services, c’est le changement d’ambiance – d’agitation – lorsque la mort d’un patient est imminente, puis le calme qui s’installe instantanément quand survient le décès. » Car l’attente d’un décès peut être très pesante dans ces services, tout comme le décès peut être vécu comme un échec collectif et renvoyer à une certaine angoisse.
« Au cours de ce travail, le phénomène d’angoisse face à la mort s’est manifesté par différentes caractéristiques, rapporte Sophie Chrétien. Je me suis tout d’abord rendue compte que le langage était compliqué. Ce n’est pas évident de faire parler de la mort. Les infirmières que j’ai interviewées étaient jeunes dans le métier et dans le service. Quand elles m’ont parlé de leurs patients, j’ai ressenti un affect très retenu, impersonnel. C’est inconscient mais c’est une façon de se protéger. » Il y a une absence de représentation de la mort. « Lors des entretiens, le mot "mort" n’a pas été prononcé ou alors, les infirmières tournent autour du mot. » Elle a également constaté un phénomène de déplacement la part des paramédicaux, c'est-à-dire qu’elles dévient leur attention sur un autre sujet que l’éventuel décès du patient. « Un mécanisme de défense qui est lui aussi inconscient », rapporte Sophie Chrétien.
Il faut, selon elle, travailler sur cette représentation de la mort chez les infirmières et sur le phénomène de déplacement. « C’est un travail de formation auprès des étudiants en Ifsi et sur le terrain, soutient-elle. Il faut aborder différemment la fin de vie, pour faire évoluer la situation. »
Laure Martin