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Comment optimiser la coordination des professionnels de santé pour une prise en charge globale des patients chroniques ? Présenté lors du colloque des InterPros, à Paris, le Livre blanc de l’interprofessionnalité en santé formule dix recommandations pour l'amélioration du parcours de soins.
Près d’un Français sur 3 vit avec une maladie chronique, soit près de 20 millions de personnes. Et le nombre de personnes vivant avec une ou plusieurs pathologies chroniques ne cesse d’augmenter : une étude publiée par la revue The Lancet en 2012 indiquait, par exemple, que dans la tranche des 70-75 ans, plus de 50 % des patients ont au moins 3 maladies chroniques. La polypathologie augmentant avec l’âge, il n’est plus possible d’avoir « une approche par spécialiste dissocié, assure André Grimaldi, diabétologue et professeur émérite à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). La prise en charge doit être à la fois biomédicale, pédagogique, psychologique et sociale qui ne peut se faire qu’en équipe ».
En 2013, suite au rapport sur la stratégie nationale de santé d’Alain Cordier, les maladies chroniques ont été reconnues problème majeur de notre système de santé. Et pour cause : manque de vision d’ensemble des pouvoirs publics, absence de coordination entre les acteurs et de transversalité entre les structures, médecine fragmentée en raison des modes de financement et de rémunération…
« Il est nécessaire d’amorcer une logique de déverrouillage du système de santé, des coordinations entre la ville et l’hôpital, des actes de financement… Et l’une des clés reste la délégation de tâches aux paramédicaux », a indiqué David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF). Dix recommandations ont ainsi été formulées par le Livre blanc de l’interprofessionnalité en santé, publié par l’équipe pluridisciplinaire des InterPros :
1. Faciliter les regroupements interprofessionnels pour les soins de proximité, et donc simplifier le cadre juridique, financier et immobilier.
« Cette coopération interprofessionnelle pourrait permettre de répondre, au moins partiellement, aux problèmes posés par les territoires à faible densité médicale. On pourrait en effet penser que les professionnels ayant fait le choix de vivre sur ces territoires puissent se mettre d’accord sur certaines pratiques professionnelles facilitant la continuité des soins (…) comme le suivi des patients chroniques par des infirmières chroniques. »
2. Recentrer le médecin sur sa pratique et développer les nouveaux métiers.
« L’offre ambulatoire de proximité, libérale ou salariée, doit ainsi se coordonner au bénéfice du patient. (…) Les infirmières cliniciennes (…) pourraient satisfaire certains besoins médicaux. »
3. Faire évoluer les modes de rémunération
« Cette évolution du “travailler ensemble” suppose de sortir de la stricte logique du paiement à l’acte. (…) Les forfaits devraient tendre à devenir le mode de rémunération dominant au sein des structures d’exercice regroupé concentrées sur le premier recours. (…) Ce mode de rémunération forfaitaire devra pouvoir être bonifié grâce à un paiement à la qualité et/ou à la performance. »
4. Proposer une approche économique plus globale du système de santé
« Une approche à la fois plus globale et plus territoriale de l’économie de la santé permettrait de rendre notre système de santé plus efficient, c’est à dire dégageant des marges de manœuvre permettant de l’adapter aux besoins du moment tout en le ramenant vers l’équilibre budgétaire. »
5. S’appuyer sur la télésanté
« Reste la question cruciale du financement des fonctionnalités de télésanté et de la prise en charge que les malades sont en droit d’attendre. »
6. Faire du patient un acteur de son parcours de santé
« L’implication du patient dans son parcours de santé contribue fortement à améliorer l’observance (qui reste globalement infirmière à 50% dans l’ensemble des pathologies chroniques), donc à améliorer les indicateurs de santé tout en réduisant les gaspillages représentés par les traitements prescrits, dispensés mais non consommés »
7. Vers une cartographie partagée des professionnels
« Disposer d’un annuaire en temps réel des professionnels de santé par territoire de proximité permettrait de faciliter d’éventuelles mises en relation et éventuellement d’organiser des staffs de soins pour le suivi du patient. »
8. Redéfinir le parcours de soins organisé par le médecin traitant
« Le parcours de soins du patient pourra être ainsi refondé. Il pourra se voir proposer de multiples entrés, tournées tantôt vers le médecin traitant, tantôt vers un accès direct à certains professionnels comme les sages-femmes, les infirmiers ou encore les kinésithérapeutes. »
9. Optimiser la permanence des soins
« Limiter (…) les hospitalisations et désengorger les urgences, trop souvent encombrées par des problématiques relevant d’une prise en charge ambulatoire. (…) La permanence des soins devra être confiée à ceux qui sont sur le terrain, volontaires et expérimentés. »
10. Placer la prévention au cœur de l’interprofessionnalité
« Pour mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, il est temps de (…) le hisser au rang de grande cause nationale portée par des équipes de soins pluriprofessionnelles. (…) À charge pour les libéraux de jouer un rôle pédagogique indispensable. »
Karen Ramsay
Un infirmier priméQuatre Trophées des InterPros ont été remis à des acteurs du terrain pour leur contribution à l’amélioration du parcours de santé des patients chroniques. Damien Nicolini, infirmier libéral, a ainsi reçu le Trophée du travail en équipe pluriprofessionnelle pour l’Association Espace vie créée en 2013. Objectif ? Proposer une prise en charge globale et coordonnée, de la périnatalité à la gériatrie, sur le territoire de l’Essonne (91) et de la Seine-et-Marne (77). Fin 2016, l’association s’est associée à SOS médecins91 pour créer une plateforme de coordination de soins primaires (PCSP) pour connecter tous les acteurs du territoire et ainsi fluidifier le parcours de soin du patient. L’association regroupe aujourd’hui plus de 200 professionnels représentant 13 corps de métiers. |