Amiante : les magistrats instructeurs préconisent un non-lieu | Espace Infirmier
 

04/07/2017

Amiante : les magistrats instructeurs préconisent un non-lieu

Après plus de 20 ans de procédure, le parquet de Paris pourrait annoncer l’abandon des poursuites au pénal réclamées par les victimes de l’amiante. Une situation « aberrante  » que dénonce François Desriaux, vice-président de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva).

EspaceInfirmier : Pourquoi un procès pénal est-il si important, dans la mesure où les victimes de l’amiante ont déjà été indemnisées par la justice ?
François Desriaux : Si l’amiante était une catastrophe naturelle, on pourrait effectivement considérer qu’une fois indemnisées, les victimes ont été « réparées ». Or, l’intoxication des victimes par l’amiante est une catastrophe sanitaire qui était parfaitement évitable si les mesures de prévention, qui s’imposent au regard des connaissances scientifiques acquises depuis très longtemps dans ce domaine, avaient été prises. Dès lors, il est légitime de vouloir rechercher les responsables de cette épidémie, qui cause 3 000 décès par an et aura fait, d’ici 2025, date annoncée de la fin de l’épidémie, quelque 100 000 morts.

Qui sont les responsables, selon vous ?
Ce sont les industriels et les chefs d’entreprise qui ont exposé directement les personnes et les salariés à ce puissant cancérigène. Mais aussi, les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les membres de la vielle sanitaire qui se sont laissés totalement berner pendant des années par de puissants lobbying industriels. Pourtant, il n’est pas nécessaire d’avoir fait une grande école pour comprendre que « l’usage contrôlé de l’amiante », pratique prônée par les industriels, était une vaste fumisterie qui n’avait aucune traduction possible dans la réalité. Le plus grand nombre de victimes se compte parmi les ouvriers du bâtiment. Ainsi, prétendre que le risque était contrôlé dans ce secteur quand, par exemple, les ouvriers découpaient des plaques d’amiante à la meuleuse, est une aberration !

Pourquoi alors, ce non-lieu préconisé par les magistrats instructeurs ?
Ils se fondent sur un rapport d’experts, commandé par eux-mêmes, mais qu’apparemment, ils l’ont pas lu. Ainsi, ils bâtissent leur analyse sur un cancérigène « avec » seuil, alors que l’amiante est un cancérigène « sans » seuil, c’est-à-dire que la période d’intoxication est confondue avec la période d’exposition. Dès lors, en tout logique, ils ne pouvaient que recommander un non-lieu ! Si cette décision est suivie par le Parquet, personne ne pourrait jamais plus être poursuivi pour violation de la réglementation en matière de produits cancérigènes différés. C’est un beau message par anticipation à tous les pollueurs de la planète.

Aujourd’hui, quelle est votre marge de manœuvre ?
Nous avons jusqu’à mi-septembre pour déposer nos observations. Si le non-lieu devait être prononcé, nous l’attaquerons devant la chambre de l’instruction. Nous irons jusqu’en cassation s’il le faut. Et si cela n’est pas suffisant, nous mobiliserons les victimes, leurs familles, les scientifiques et les médecins mais aussi le grand public pour dénoncer ce nouveau scandale. On se bat depuis vingt ans, nous n’avons pas l’intention de lâcher maintenant.

Françoise Vlaemÿnck

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