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Avec l’ouverture de la deuxième édition du Mois sans tabac, le 1er novembre, se pose à nouveau la question du tabagisme chez les soignants. Ou plutôt, de l’arrêt du tabac chez ces fumeurs pas tout à fait comme les autres.
Contrairement à une idée répandue, les infirmières ne fument pas plus que le reste de la population. D’après les chiffres du ministère de la Santé, elles seraient en effet 31 % à s’en griller une régulièrement, soit un point de moins que la moyenne nationale. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas agir, car les soignants ont, en la matière, davantage de responsabilités que le reste de la population. Le Mois sans tabac, qui démarre le 1er novembre, est donc l'occasion de faire un pas dans la bonne direction.
« En novembre, on arrête ensemble et en équipe ». Cette opération de communication, orchestrée par le ministère de la Santé, Santé Publique France et l’Assurance maladie, vise à inciter les fumeurs à arrêter la clope pendant tout le mois de novembre. L’idée est simple : si 30 jours sans tabac multiplie par cinq les chances d'arrêter définitivement, autant miser sur l’esprit d’équipe ! Les fumeurs sont donc invités à s’inscrire collectivement sur le site du Mois sans tabac pour tenter ensemble un sevrage de quatre semaines… et plus si affinités.
Si le Mois sans tabac vise le grand public, les professionnels de santé fumeurs ont, eux, encore plus de raisons de décrocher pour de bon. C’est du moins l’avis de Nicolas Bonnet, directeur du Réseau de prévention des addictions (Respadd), un collectif de 650 établissements de santé dédié à la lutte contre la dépendance. « Le tabagisme des soignants a un impact négatif sur la qualité des soins telle qu’elle est perçue par les patients, affirme ce pharmacien. S’ils voient un médecin ou une infirmière fumer, l’usager se dira qu’il ne bénéficie pas d’une prise en charge globale. » Pour étayer son affirmation, Nicolas Bonnet s’appuie sur les enquêtes « Tabagisme en blouse blanche » organisées par le Respadd au sein des établissements de santé, et qui interrogent plusieurs centaines de soignants et de soignés. Ainsi, lors d’une étude réalisée dans un établissement lyonnais en 2014, 73 % des visiteurs indiquaient que le fait de voir fumer un soignant modifiait la manière dont ils percevaient le professionnalisme du personnel, 58 % déclaraient que cela affectait la façon dont ils évaluaient sa disponibilité, et 87 %, que cela dégradait leur vision de l’hygiène de l’établissement.
Si depuis un décret de 2006, il est totalement interdit de fumer dans un établissement de santé, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur, Nicolas Bonnet reconnaît que cette réglementation est difficile à appliquer. Sur les 650 établissements que compte son réseau, un seul (le CH de Gray) est, à sa connaissance, totalement non-fumeur. Les mentalités sont donc longues à faire changer. Le Dr Anne-Laurence Le Faou, présidente de la Société francophone de tabacologie, remarque d'ailleurs que les professionnels de santé qu'elle reçoit en consultation « ont encore des idées fausses concernant les risques du tabagisme ».
Alors que faire ? Lors d’un colloque organisé récemment par le Respadd, le Dr François Bourdillon, président de Santé publique France, a formulé l’idée d’organiser le « Mois sans tabac » à l’échelle de tout un établissement. Certes, cela ne reviendrait finalement qu’à appliquer la loi pendant un mois… mais ce serait déjà un bon début !
Adrien Renaud