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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit que des infirmières d’astreinte aient la responsabilité de plusieurs Ehpad la nuit. Mais les professionnels doutent du bien-fondé de cette mesure qui devrait concerner 2 000 établissements selon la ministre des Solidarités et de la Santé.
Que se passe-t-il quand, à deux heures du matin, dans un Ehpad, un résident se trouve mal ? La plupart du temps, l’aide-soignante de garde appelle les urgences et une hospitalisation se met en place… Un schéma qui aurait pu être évité si une infirmière avait pu se rendre sur place. Tel est du moins le raisonnement des rédacteurs du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Ceux-ci ont, en effet, prévu de financer un mécanisme d’astreinte permettant à une infirmière itinérante de prendre en charge les résidents de plusieurs Ehpad la nuit. Des expérimentations sont déjà en cours en ce sens sur le territoire, mais le législateur souhaite les élargir avec un budget de 10 millions d’euros.
« Ce n’est pas une solution que nous privilégions », explique Blandine Delfosse, présidente de la Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices (FFIdec), qui estime que, de nuit, les infirmières ne pourront effectuer que des actes « très isolés, qui peuvent être gérés de jour, comme de dispenser de la morphine ». Mais surtout, elle ne voit pas comment les choses pourraient s’organiser sur le terrain…
Pour Blandine Delfosse, les créneaux horaires critiques sont très concentrés et portent notamment sur le début de nuit : certains résidents veulent se coucher seuls, ce qui multiplie le risque de chute. « Comment fera-t-on s’il y a deux urgences au même moment ? », se demande-t-elle. Celle-ci estime donc qu’au lieu du mécanisme d’astreinte envisagé, il serait plus bénéfique d’augmenter les effectifs d’aides-soignantes, tout à fait aptes, selon elle, à gérer les urgences.
Les médecins n’en sont pas plus satisfaits. Pour le Dr Renaud Marin la Meslée, président du Syndicat national des généralistes intervenant en Ehpad (SNGIE), l’expérimentation prévue dans le PLFSS ne va pas dans le bon sens. Pour éviter les hospitalisations inutiles, il vaudrait mieux, selon lui, mettre les moyens disponibles sur la permanence des soins (PDS), qui permet aux praticiens libéraux de se rendre dans les Ehpad en cas d’urgence. « Quand les résidents sont vus par le médecin, ils sont moins hospitalisés », assure ce généraliste.
Reste que l’expérimentation étant prévue, mieux vaut la laisser se dérouler. « On verra bien les résultats », philosophe Blandine Delfosse.
Adrien Renaud