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Pour suivre la santé orale des personnes handicapées et résidant en Ehpad, l’Union française de la santé bucco-dentaire a lancé un programme qui associe la formation du personnel et le suivi régulier des résidents grâce à un smartphone. Explications avec Benoît Perrier, secrétaire général de l’UFSBD.
Qu’est ce que le programme Oralien ?
C’est un programme d’accompagnement à la santé bucco-dentaire au quotidien dans les établissements médico-sociaux. Il a été démontré que l’accès à la prévention est primordial pour améliorer le quotidien des résidents. L’UFSBD a maintenant plus de quinze ans d’expérience dans ce domaine et a mis en place des programmes de formation pour les accompagnants. Mais pour aller plus loin au quotidien, il fallait garder un lien avec les accompagnants. Nous avons travaillé avec un leader mondial de l’intelligence artificielle en dentaire à l’élaboration d’un système qui va au-delà du simple dépistage. En associant la télé-expertise à nos cycles de formation, nous pouvons surveiller les paramètres de la santé bucco-dentaire des résidents dans les établissements.
Concrètement, comment cela fonctionne ?
La grande nouveauté est que nous avons recours à un outil du quotidien : le smartphone. Il est utilisé par un cadre de santé pour prendre des images de la cavité buccale dans laquelle il a auparavant inséré un écarte-bouche. Les images sont analysées par des algorithmes selon divers critères. S’ensuivent des recommandations pragmatiques pour le personnel qui s’occupe des résidants. Le but est surtout de déterminer s’il y a des défauts d’hygiène. Mais on observe aussi s’il y a des besoins en soins.
Ce n’est plus l’œil du chirurgien-dentiste mais la machine qui permet de détecter les problèmes ?
Oui, mais il y a toujours un contrôle. Les informations sont envoyées sur une plateforme où elles sont contrôlées par un chirurgien-dentiste, qui décide si ce qui est préconisé doit ou non être corrigé. Nous avons utilisé un système qui existait dans le monde de l’orthodontie. L’algorithme a été réadapté à la dépendance avec plusieurs critères, selon qu’il s’agit d’un enfant, d'un adulte handicapé ou d’une personne âgée dépendante, et nous prévoyons aussi de traiter le cas de la personne dépendante à domicile.
Une expérimentation a déjà été lancée il y a quelques années pour la surveillance à distance de l’état bucco-dentaire de patients âgés, par un chirurgien-dentiste, à l’aide d’une caméra intra buccale…
Nous sommes allés plus loin en rajoutant de l’intelligence. Parce que c’est bien de voir s’il y a des caries mais c’est mieux de voir pourquoi. Et puis, l’utilisation d’une caméra buccale est plus compliquée ; c’est intrusif. Ici, un simple smartphone permet de faire du cadrage, de la vidéo, et derrière, les images sont analysées. On voulait quelque chose de pragmatique, d’efficace et utilisable à grande échelle.
L’important est aussi que ce dispositif soit intégré dans un cadre cohérent : il faut la formation des cadres de santé de l’établissement, le passage régulier d’un chirurgien-dentiste pour faire le point et analyser les tableaux de bord qui montrent si les pratiques au quotidien évoluent dans le bon sens, observer si les protocoles sont bien en place, détecter les difficultés… L’encadrement est essentiel. Tout le monde peut faire de la télémédecine. Le problème est de mettre en place des protocoles d’hygiène sinon cela ne sert à rien. Constater des caries n’a pas d’intérêt. Mais suivre les personnes, accompagner les équipes, conseiller les soignants au quotidien, c’est l’intérêt du dispositif qui doit vraiment s’intégrer dans un projet d’établissement.
Anne-Chantal de Divonne