D. R.
Depuis le 17 décembre dernier, toutes les infirmières du service des urgences de l’hôpital de Cherbourg sont en grève. Dix jours plus tard, les médecins urgentistes ont rejoint le mouvement. Tous dénoncent un problème organisationnel et des suppressions de postes.
« Nous en avons ras-le-bol de nos conditions de travail, témoigne Francis Normand, infirmier aux urgences du centre hospitalier public du Cotentin, à Cherbourg. Les conditions de mise en place du transport infirmier interhospitalier (TIIH) et la volonté de la direction de supprimer un poste infirmier, c’est la goutte de d’eau qui fait déborder le vase… » En effet, s’il manque environ 50 % d’effectifs en médecine libérale, le nombre de passages ne cesse d’augmenter – avec jusqu’à 140 passages par jour –, et en parallèle, « en quatre ans, 80 lits ont été supprimés au sein de l’établissement », explique Eric Labourdette, secrétaire général national de la Fédération autonome de la Fonction publique hospitalière (FAFPH), l’un des syndicats représentatifs dans l'établissement.
Aujourd’hui, outre la suppression de 100 postes sur l’ensemble de l’établissement à la demande de l’Agence régionale de santé, la colère se cristallise autour de la mise en place, dès janvier 2018, du transport infirmier interhospitalier. Avec ce dispositif, « un infirmier est responsable du transport d’un patient vers le centre hospitalier de Caen, qui dispose d’un plateau technique plus important que celui de Cherbourg, pour des examens complémentaires, souligne Francis Normand. Les patients transportés par l’infirmier doivent être stabilisés. Mais notre direction ne voit pas les choses de cette manière. Pour elle, le TIIH va diminuer les transferts secondaires médicalisés assurés actuellement par le Smur [un médecin, un infirmier, un chauffeur, NDLR]. Il est pourtant hors de question qu’un infirmier soit responsable d’un patient instable, d’autant plus pendant un trajet d’une heure et demie ! Nous revendiquerons notre droit de retrait afin de protéger notre diplôme. »
Par ailleurs, « la direction de l’hôpital table sur deux à trois transferts par semaine, et considère, de ce fait, que l’infirmière en charge du TIIH pourra effectuer, en parallèle, des actes aux urgences, explique l’IDE. Or, nous estimons qu’elle pourra effectuer entre deux et trois transferts par jour, et ne pourra, en aucun cas, faire des actes aux urgences. Mais suivant son raisonnement, la direction prévoit la suppression d’un poste aux urgences. » Il s’agirait du poste d’infirmier en poste décalé (10 h-22 h) qui aide en traumatologie ainsi qu’à l’accueil. Il y a des raisons comptables derrière cette décision, indique Eric Labourdette. Le poste de TIIH ne va rien coûter à l’établissement puisqu’il est financé par ARS, et la direction prévoit la suppression d’un poste qu’elle finance. »
Malgré la grève, le service tourne toujours car les infirmières sont assignées. « Il y a eu des couacs car des assignations n’ont pas été envoyées à temps », rapporte Eric Labourdette. Par conséquent, la direction a sollicité des huissiers afin de remettre les assignations en main propre aux IDE. Elle a, par ailleurs, adressé des assignations illimitées et a expliqué, dans une note de service, que si nous n’étions pas présents, cela relevait du pénal », poursuit Francis Normand. La FAFPH a donc adressé un courrier à l’inspection du travail et attend le retour de son avocat. « En fonction, nous ferons un référé au tribunal administratif pour délit d’entrave au droit de grève, et éventuellement un recours au pénal », conclut Eric Labourdette. Contactée, la direction de l’hôpital n’a pas donné suite, pour l’heure, à notre demande d’interview…
Laure Martin