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Un millier de médecins et de cadres de santé se sont associés dans une pétition contre le financement actuel de l’hôpital qui doit augmenter sans cesse son activité « tout en réduisant le nombre de ses personnels ». Résultat, une « dégradation des conditions de travail », un « épuisement et démotivation des soignants » et « une baisse de la qualité des soins ».
Une pétition contre le financement par la tarification à l’activité (T2A), lancée dans l’univers hospitalier le 23 décembre, a dépassé, ce 15 janvier, les 1 000 signatures de médecins hospitaliers et cadres de santé. Le texte, élaboré par une vingtaine de professionnels, dont les professeurs André Grimaldi et Jean-Paul Vernant (La Pitié-Salpêtrière, AP-HP) et l’infectiologue Anne Gervais (Bichat, AP-HP), demande un nouveau système de financement des établissements de soins publics. « L’hôpital ne peut être soumis intégralement à la T2A, affirme André Grimaldi. Certains actes peuvent être standardisés, comme une chirurgie de la cataracte, une pose de prothèse de hanche simple, c’est-à-dire de la chirurgie programmée, mais pas la cancérologie où les traitements évoluent en permanence et, d’une manière globale, pas les maladies chroniques où tous les patients n’auront pas besoin du même accompagnement ni de la même prévention. »
Parmi les 1 015 signataires comptabilisés au 15 janvier, une cinquantaine de cadres ont accepté de partager le constat et les recommandations de la pétition. Claire Delage, cadre de santé au service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat-Claude Bernard (AP-HP), qui a fait tourner le texte dans son réseau professionnel, explique ce qui l’a motivée : « Désormais, en tant que cadre, on est obligé de penser volume d’activité et budget. Le système nous pousse vers quelque chose qui ne correspond pas à nos valeurs de soignant. Nous ne voulons pas sélectionner les patients qui nous rapporteront le plus, mais répondre aux besoins et aux réalités sanitaires de la population. »
Ce que précise une collègue cadre, exerçant en province en réanimation dans un centre hospitalier, et qui préfère conserver l’anonymat : « Avec le mode de financement actuel, on nous demande de développer l’activité mais les tutelles nous poussent à diminuer le personnel. Par exemple, on ne remplace pas chaque absence d’infirmière ou d’aide-soignante mais uniquement une sur deux. On attend donc qu’il manque deux professionnels dans une équipe pour solliciter un remplaçant. » Sur le terrain, les équipes, elles, sont à bout. La pétition exige ainsi le maintien « dans chaque unité de soin d’un taux de soignants permettant de garantir la sécurité des patients et la qualité des soins. »
Autre problématique : la diminution des tarifs. Car si la convergence tarifaire public/privé a été abandonnée au cours du quinquennat précédent, les tarifs des actes, eux, ont continué de baisser. La pétition réclame donc aussi « une stabilité des tarifs correspondant aux coûts réels des soins ».
« Depuis 2009, nous ne cessons de dire que l’hôpital n’est pas une entreprise commerciale, rappelle le Pr André Grimaldi. Nous avons bien entendu les propos d’Agnès Buzyn (qui confirmait le 11 décembre dernier qu’« Avec la T2A, ce système a fait croire à l’hôpital public qu’il devait se concentrer sur des activités rentables, qu’il devait se sentir une âme d’entreprise », NDLR). Il faut à présent passer à un mode de financement mixte, T2A et dotation globale en fonction des activités, en élaborant ce système avec les professionnels de santé. »
Sandra Mignot