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8 novembre 2016, 24 janvier 2017, 8 mars 2017… Derrière le slogan #soigneettaistoi, les infirmières ont défilé en grand nombre, à l’appel des organisations syndicales, dénonçant la dégradation des conditions de travail et de la qualité des soins. Un an après, qu’ont-elles gagné ? Et que peuvent-elles espérer de la prochaine mobilisation unitaire du 30 janvier dans les Ehpad ?
Il y a un an – début 2017, NDLR –, le mouvement intersyndical s’est achevé sur une série de revendications catégorielles. La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) a ainsi obtenu un alignement des bourses sur celles des autres étudiants, ainsi qu’une augmentation de leurs indemnités de stage. Les infirmières anesthésistes ont, elles, arraché « la reconnaissance de notre indépendance professionnelle médicalement encadrée, mais toujours pas de notre exercice au niveau master ! Nous avons eu une augmentation de nos primes, de notre salaire, mais qui ne correspond pas à nos attentes », explique Bruno Huet, vice-président du Syndicat national des infirmier(e)s-anesthésistes (Snia). Pour les infirmières puéricultrices, le mouvement a permis de « relancer les discussions sur le référentiel de formation qui était suspendu depuis 2011 », raconte Charles Eury, président de l’Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants (ANPDE). Il doit ainsi porter la formation des puéricultrices à deux ans au lieu d’un an. « Mais on en est toujours au stade des discussions. On ne sait pas quand le référentiel sera mis en œuvre », regrette celui-ci. Quant aux pratiques avancées, « on attend toujours la parution du décret », déplore Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI).
Parce que le malaise est bien plus profond, Marisol Touraine, alors ministre de la Santé et des Affaires sociales, a tenté d’y répondre avec sa Stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé. Un an plus tard, le bilan est amer. « C’est difficile de voir des améliorations sur le terrain, constate Nathalie Depoire. La qualité de vie au travail est devenue un critère de la certification des établissements, c’est important. Mais il n’y a presque rien de concret, sinon quelques cellules d’écoute ici et là... Pourtant, on assiste à une augmentation dramatique des situations d’épuisement professionnel. Car sous la pression budgétaire, les établissements continuent de supprimer des postes. »
#8novembre : Retour sur images
Restée à l’écart du mouvement il y a un an, la CFDT explique : « Nous avons travaillé de notre côté, avec notre enquête sur les effectifs, explique Eve Rescanières, infirmière et secrétaire générale de la CFDT santé. On a reçu des réponses et des témoignages édifiants. » Ainsi, selon les 2 500 soignants qui ont répondu au questionnaire du syndicat, il y a en moyenne 1 infirmière pour 25 patients l’après-midi, tous services confondus. Et dans les services qui accueillent des personnes âgées, dont les Ehpad, une infirmière a en charge 38 patients l’après-midi !
Les conflits locaux se multiplient ces jours-ci, par exemple au CHU de Toulouse. « On en a dénombré 1 500 en 2017 dans toute la France, raconte Thierry Amouroux, secrétaire générale du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) CFE-CGC. Ils débouchent parfois sur de petites avancées : création de postes, augmentation de salaires… La mobilisation paie mais encore faut-il avoir la force de se mobiliser. » Et si depuis plusieurs années, les infirmières anesthésistes se mobilisent régulièrement, c’est que « la grève, la manifestation est la seule manière d’être entendu, estime Bruno Huet du Snia. Informer n’est pas suffisant, il faut gêner. »
Que peut-on espérer de la journée de mobilisation du 30 janvier dans les Ehpad à laquelle vient de se joindre la CNI ? « Cette grève peut être efficace, affirme Eve Rescanières, car cette fois s’associent également les directeurs, les familles, les retraités et les résidents. Elle pose au gouvernement une question sociétale et philosophique : “Nos aînés sont-ils seulement un coût” ? Quelle prise en charge voulons-nous pour eux ? ». « Il y a un tel ras-le-bol, une telle colère, renchérit Malika Belarbi de la CGT santé. Quand je rencontre les soignants dans les Ehpad, ils sont décomposés. Ça se voit physiquement. Ils expriment leur honte de traiter ainsi leurs résidents. Le gouvernement ne peut pas rester sourd. »
Caroline Coq-Chodorge