31/01/2018

Grève dans les Ehpad : « On ne lâche rien »

Les personnels des Ehpad ont observé une journée de grève le 30 janvier, à l’appel d’une intersyndicale soutenue par l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Des micro-manifestations ont eu lieu sur l’ensemble du territoire, tandis qu’à Paris, professionnels et syndicats se sont réunis devant le ministère de la Santé, réclamant plus de moyens.

Ils sont à bout et l’ont fait savoir. Plusieurs centaines de professionnels – aides-soignantes, infirmières, cadres de santé, agents de services hospitaliers, directeurs d’établissement, entre autres – se sont rassemblés devant le ministère de la Santé le 30 janvier pour dénoncer des conditions de travail difficiles et un manque d’effectifs. « Personnels fatigués, résidents maltraités », « Sans moyens, prendre soin n’a pas de sens », « Pour la dignité et le respect de nos aînés et des professionnels, exigeons plus de moyens », scandaient les manifestants, drapeaux et banderoles en main.


Vêtu de sa blouse blanche sur lequel il a noté « Sauvons les patients et les soignants », Guillaume, IDE à l’Ehpad Compassion à Chaumont en Vexin (Oise, 60), a fait le déplacement pour manifester contre la qualité de prise en charge des résidents. « Dans notre structure, le médecin coordonnateur n’est présent qu’une journée par semaine et nous sommes seulement deux infirmiers. Par manque de temps, nous devons prioriser les soins. Nous avons deux heures pour poser des perfusions, mesurer les taux de glycémie, injecter les antibiotiques aux 170 résidents. C’est tous les jours la course contre la montre, au risque de commettre des erreurs. La pression est insupportable, déplore ce professionnel qui culpabilise de ne pas pouvoir prendre soin des patients comme il le voudrait. Certains personnels rentrent chez eux le soir en pleurs car ils ont le sentiment d’avoir bâclé leur travail. Nous ne sommes pas préparés à exercer dans de telles conditions », poursuit-il.


Ce que confirme Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) : « Les infirmières et les aides-soignantes n’ont plus de temps à consacrer aux patients. Pour les toilettes, elles n’ont que sept minutes par chambre. Comme il n’est pas possible de répondre dans un délai raisonnable aux demandes, elles mettent des couches à des résidents qui ne sont pas incontinents. Et ceux qui ne marchent pas assez vite sont mis au fauteuil. Ces situations de maltraitance sont des crève-coeur pour des professionnels qui subissent une perte de sens au travail. »

Un soignant pour un résident

Au menu des revendications de ce mouvement unitaire(1) : une augmentation significative des effectifs et l’abandon de la réforme contestée du financement qui prévoit de faire converger jusqu’en 2023 les dotations aux Ephad publics et privés. « Nous attendons un plan gouvernemental avec des moyens financiers conséquents pour ramener le taux d’encadrement à un salarié pour un résident d’ici la fin du quinquennat. Malgré les promesses, on est à peine à une moyenne d’un pour six, voire moins dans certains établissements », accuse Didier Birig, secrétaire fédéral à la Fédération FO services publics et santé.

Revalorisation des salaires, remplacement des arrêts maladie, meilleure reconnaissance, réorganisation des temps de travail… Les revendications du personnel des maisons de retraite de Neuilly-sur-Seine sont nombreuses. Bien qu’elles n’aient pas fait le déplacement jusqu’à Paris en raison de la continuité des soins, les aides-soignantes, auxiliaires de vie et agents des services hospitaliers (ASH) de la résidence Roger Teullé ont décidé de débrayer, munies de drapeaux aux couleurs de la CGT, pour exprimer leur mécontentement. « Nous ne sommes pas remplacés quand nous sommes malades. Il y a trois soignants pour s’occuper de 24 résidents mais souvent, nous ne sommes que deux. Ce sous-effectif nous épuise. Faute de personnel, nous travaillons à la chaîne et nous n’avons même plus le temps de discuter avec les résidents. Ils sont bousculés dès 6h45 pour qu’ils soient prêts au déjeuner », raconte Monique, ASH. Marc Fernandez, directeur de la résidence et membre de l’AD-PA, reconnaît son impuissance face à la recrudescence des arrêts de travail : « Vu contraintes financières, je ne peux pas proposer un remplacement à chaque fois qu’un agent est absent car cela m’oblige à verser deux salaires. Nous sommes un établissement public autonome et nos salariés sont des fonctionnaires. L’Assurance maladie ne prend pas en charge les arrêts maladie comme dans le privé. Il nous faudrait plus de moyens mais nous ne pouvons pas augmenter encore le reste à charge des résidents .»

« La mobilisation a été à la hauteur des enjeux »

Pour calmer la grogne, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, a concédé le 24 janvier, en plus des 100 millions d’euros inscrits au budget 2018 de la Sécurité sociale, au déblocage d’une enveloppe de 50 millions d’euros à destination des Ehpad en difficulté. « Mme Buzyn est médecin. Elle sait qu’un pansement n’a jamais arrêté une hémorragie. Cette somme ne correspond même pas à un poste d’aide-soignante par établissement », a expliqué Caroline Fiat, aide-soignante et députée de la France Insoumise, présente au rassemblement à Paris.


En fin de journée, la délégation de l’intersyndicale est ressortie déçue de sa rencontre avec le cabinet de la ministre, affirmant n’avoir eu que des « non-réponses ». Seule la nomination d’un médiateur chargé d’expertiser les effets de la réforme du financement a été confirmée. Mais les organisations syndicales ne veulent pas se démobiliser. Ce 31 janvier, une réunion est prévue à 17 h 30 pour envisager la suite. Pour Didier Birig, « partout en France, la mobilisation a été à la hauteur des enjeux. Les professionnels en ont marre de maltraiter leurs résidents et sont prêts à dénoncer ce qui se passe derrière les murs des institutions. On ne peut pas arrêter ce mouvement avec une telle lame de fond. »

1-. FO, CGT, CFDT, Unsa, CFTC, CFE-CGC, Sud

Adeline Farge

Les dernières réactions

  • 01/02/2018 à 08:32
    Géraldine
    alerter
    "On a fait grève mardi. Y avait du monde. Agnes Buzyn n’a pas l’air de se rendre compte de la merde dans laquelle on travaille. Mais maintenant on fait quoi à part envoyer des couches au ministère ?"
  • 01/02/2018 à 15:07
    titi
    alerter
    UN PETIT TOUR ET PUIS S'EN VA!

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