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Si les syndicats et les organisations infirmières s'insurgent contre le projet de décret sur les pratiques avancées présenté par le ministère des Solidarités et de la Santé le 8 mars dernier, les médecins ne sont pas en reste. Les infirmières de pratiques avancées, d’accord… mais uniquement sur leur proposition.
Pas assez d'autonomie selon les unes (lire notre article du 08/03), trop peu d'encadrement pour les autres. Alors que le Collège infirmier français dénonce une « vision médico-centrée du soin » et un « modèle restrictif, […] ressemblant plus à une délégation de compétences déguisée qu’à un véritable projet ambitieux de pratique avancée pour la profession infirmière », plusieurs organisations de médecins estiment, pour leur part, que le rôle de chef d’orchestre du médecin traitant n’y est pas suffisamment signifié. Tous se retrouvent néanmoins autour d'un désaccord sur la méthode. « Les discussions sont engagées depuis octobre 2016, mais uniquement avec l'Ordre des médecins, celui des infirmières et les représentants des maisons/pôles de santé, regrette Philippe Vermesch, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). Aucun syndicat n'a été sollicité. » « Et on nous transmet un projet rédigé trois jours avant la réunion du 8 mars. Tout est écrit, il n'y a aucun dialogue », ajoute Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
Pourtant, tous se disent favorables à la pratique avancée. « Ce ne sont pas les compétences des infirmières que nous remettons en cause », assure Philippe Vermeesch. « Il est logique que les contours des métiers évoluent, affirme, de son côté, Jean-Paul Ortiz. Mais cela doit se faire de manière encadrée, au sein d'une équipe de soins qui travaille selon des protocoles précis et partagés. » Margot Bayart, vice-présidente du syndicat des médecins généralistes, MG France, souligne l'absence de deux mots : « La coopération et la concertation ne sont nulle part mentionnées dans ce projet. On sent une vision très hospitalière des rédacteurs. »
Philippe Vermesch craint, quant à lui, pour l'avenir de la pratique libérale : « Je pense d'ailleurs que ce projet a été pensé pour l'exercice collectif », interprète-t-il. Comme son confrère Jacques Battistoni, président de MG France, il évoque concrètement la création d'une concurrence à l'exercice médical :« Ce qui risque de se passer, c'est que des infirmières vont se former pendant qu'elles exercent à l'hôpital puis s'installeront en libéral comme IPA. Elles pourront réaliser des examens cliniques, une anamnèse, prescrire des examens biologiques et des radios… On est quasiment dans de la médecine. Et imagine-t-on des IPA libérales qui feraient les choses sans prévenir le médecin, ou prescriraient des examens comme c’est mentionné dans le projet de décret ? Ce serait forcément compliqué tant pour le généraliste que pour les patients qui ne sauraient plus qui est responsable de quoi ».
Le gouvernement veut, pour sa part, aller vite pour amender et publier ces textes pour une mise en place des formations universitaires dès la rentrée prochaine. Encore faudrait-il savoir sous quelles formes.
Sandra Mignot