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L’association Soins aux professionnels en santé (SPS) a présenté, ce 14 mars, son nouveau projet d’organisation des soins. Objectif : agir sur les souffrances suicidaires des soignants.
« 39 % des soignants exerçant en secteur rural ont eu - ou ont - des idées suicidaires », pointe du doigt le Dr Eric Henry, président de l’association Soins aux professionnels en santé (SPS). Des résultats tirés d’une étude rendue publique en décembre dernier, à laquelle environ 800 soignants ont répondu. Si la cause de ces pensées suicidaires n’est pas clairement identifiée, l’isolement peut expliquer, en partie, ce mal-être. « Didier Truchot [professeur de psychologie sociale à l’Université de Bourgogne-Franche-Comté à Besançon, NDLR] explique que l’épuisement professionnel est un lit profond pour le suicide », poursuit le Dr Henry avant d’ajouter : « Les soignants en épuisement sont ceux qui se sentent empêchés dans l’exercice de leur métier par rapport aux valeurs qui sont les leurs. Ils se trouvent dépassés, ce qui augmente le risque d’épuisement et de suicide. »
L’association souhaite ainsi tester un nouveau modèle de prise en charge des patients dans les zones en désertification médicale. « Dans ces territoires sans médecin, les infirmières, les pharmaciens, les masseurs-kinésithérapeutes, bref, toutes les professions qui dépendent de la prescription du médecin, ne peuvent plus travailler. Ce qui peut jouer sur leur moral, observe le Dr Henry. Nous allons donc leur amener de l’avis médical, de la consultation, de l’expertise. » L’association souhaite ainsi identifier 50 territoires au sein desquels un partenariat serait créé à la fois avec les élus et les soignants. « Ensemble, nous allons identifier des patients avec des pathologies lourdes et chroniques ou handicapés », explique le médecin. Ces derniers disposeront d’objets connectés pour suivre le poids, la tension, le pouls, la prévention des chutes, etc. Les données seront ensuite envoyées à une plateforme en cours de création par SPS. Viendront s’y ajouter des données subjectives reposant sur les observations du patient, de sa famille, envoyées via une tablette.
« En cas d’alerte, les médecins coordinateurs auront plusieurs solutions », indique le Dr Henry. Si le médecin traitant est identifié, la plateforme le contactera pour l’informer de la situation de son patient et le laissera gérer le suivi. « En revanche, si le médecin n’est pas identifié ou si le patient n’a pas de médecin, SPS le prendra en charge, indique le président de l’association. Le médecin coordinateur se mettra alors en contact avec une infirmière de pratique avancée ou une infirmière libérale de son territoire, qui se rendra au domicile du patient. Ensemble, ils décideront de la prise en charge. » Les soins prescrits par le médecin coordonnateur et dispensés par l’Idel, seront pris en charge par la Cpam, explique SPS. « Ce type de fonctionnement permet de libérer le médecin généraliste d’une prise en charge urgente alors que sa salle d’attente est pleine, et redonne du travail aux soignants en mal de prescription, tout en restant dans le parcours de soin. »
Pour financer le dispositif qui devrait être effectif d’ici la fin de l’année, l’association souhaiterait un financement de 5000 euros de la part des 50 territoires. « Nous voulons également sensibiliser le gouvernement et l’Assurance maladie sur le sujet, car un patient lourd, chronique et/ou handicapé sans médecin traitant et sans suivi régulier, c’est certes des consultations économisées mais les conséquences financières sur le long terme sont bien supérieures. Il n’y aura aucun surcoût pour la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et le ministère à accompagner ce dossier », conclut le Dr Henry.
Laure Martin