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Après le constat accablant du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) en mars dernier, les professionnels de psychiatrie du CHU de Saint-Étienne se sont réunis en collectif pour demander davantage de moyen pour l’accueil des patients.
« La visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté (du 8 au 15 janvier, NDLR) a été vécue comme une partie de la solution. Cela a permis de mettre un coup de pied dans la fourmilière », évoque un IDE du pôle psychiatrie du CHU de Saint-Étienne. Dans le rapport, publié au Journal Officiel sous la forme d’une procédure d’urgence, le CGLPL mentionne de conditions « portant des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées » : « Les contrôleurs ont constaté la présence de vingt patients relevant de la psychiatrie en attente de place […]. Sept faisaient l’objet de contentions. […] [Elles se trouvaient] aux urgences depuis des durées allant de quinze heures à sept jours, cinq étant présents depuis plus de trois jours. Ils n’avaient pu ni se laver, ni se changer, ni avoir accès à leur téléphone portable. Trois d’entre eux devaient user d’un urinal posé le long de leur jambe sur le brancard au-dessus du drap. Aucun ne présentait d’état d’agitation, certains demandant juste à pouvoir être détachés, sans véhémence, dans une forme de résignation et d’acceptation. »
Devant ce constat, et face à l’abus des contentions et isolements au sein même des services d’hospitalisation psychiatriques, le CGLPL recommandait que cessent ces atteintes aux droits et que « les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour garantir les possibilités d'hospitalisation adaptées ». Il demandait aussi la mise en place d’une réflexion institutionnelle sur les pratiques d'isolement et de contention, ainsi qu’une formation du personnel sur l’accès aux droits des patients.
En réponse, la direction de l’établissement s’est engagée « à mettre en place des mesures pour répondre aux recommandations du CGLPL ». Notamment : « l'arrêt de la contention pour les patients en libre hospitalisation, le renforcement des actions de formation ou encore, des analyses mensuelles de situation ainsi que des audits inopinés… » Une réponse qui ne satisfait pas pour autant le personnel. Malgré le rappel à leur devoir de réserve, ils ont donc décidé de se réunir en collectif : « Notre parole n’est plus prise en compte depuis des années, poursuit l’IDE qui exerce depuis plus de dix ans dans l’établissement. Des choses sont dites en CHSCT, mais il n’y a aucune conséquence. Nous avons perdu la main sur ce qui se fait. On ne part plus des besoins des patients mais des budgets et de ce qu’on peut faire avec. »
Le collectif a donc adressé ses revendications aux responsables hospitaliers, au ministère de la Santé, et à l’ARS, assorties d’une demande de rendez-vous. Notamment, « des moyens humains et financiers supplémentaires afin d’assurer des soins en accord avec nos valeurs humanistes ; la réouverture du service fermé en juin 2017 et sa dotation en personnel correspondante plutôt qu’un “bricolage” dans les unités existantes ; la stagiairisation immédiate des agents contractuels afin de conserver leur savoir-faire acquis au sein des services ; le rétablissement du budget de formation afin d’augmenter notre expertise soignante ; l’ouverture de places en structure d’accueil (lieu de vie) pour patients atteints de troubles psychiatriques.
Si, pour l’heure, la direction du CHU n’a pas répondu au courrier du collectif, elle s’est exprimée auprès de nos confrères d’APMNews, et a indiqué que les effectifs n’ont pas diminué. Un poste ETP aurait même été gagné en termes de personnel non médical depuis 2013. L’équipe médicale correspondrait, indique-t-elle, aux « effectifs historiques que le CHU est en capacité d’affecter dans le respect de sa dotation annuelle de financement ». Sauf qu’une hausse de 30 % des prises en charge en psychiatrie est constatée entre 2012 et 2016… Elle indique aussi que les heures de formation consacrées aux pratiques de contention et d’isolement ne cessent d’augmenter. Et que l’unité fermée ne sera pas recouverte puisqu’elle a laissé place à la création d’équipes mobiles. « Mais ces équipes auraient dû être installées, un travail extra-hospitalier déployé et conforté pour vérifier qu’il permettait la fermeture d’un service », observe un représentant du collectif soignant, avant de poursuivre : « De toute façon, notre métier n’est pas de manipuler des budgets mais de dire ce dont on a besoin. »Le collectif réfléchit, pour l’heure, à d’autres moyens de mobilisation : manifestation, grève… et attend une réponse des autorités locales de santé à son courrier.
Sandra Mignot