Innover à faible coût... sans sacrifier la qualité

Une lentille oculaire pour l’opération de la cataracte à 4 $ au lieu de 100 ? Un dermatologue sans diplôme en médecine ? Des messages de prévention diffusés au plus grand nombre ? Ces innovations en santé étaient présentées au colloque FAMx, organisé le 1^erjuin par la Fondation de l’académie de médecine. Leur point commun ? Elles relèvent de ce qui est qualifié d’innovation inversée, à savoir, celle qui est déployée en contexte économique contraint – en résumé, les pays du Sud – et qui pourrait inspirer les systèmes de santé occidentaux... Une table ronde s’est penchée sur les nouveaux rôles qu’elles induisent du côté des professionnels de santé : délégations de tâches, recentrage sur un cœur de métier, voire développement de nouvelles compétences et de nouveaux métiers.

Des expériences venues d’ailleurs

À Los-Angeles, une innovation, inspirée des agents de santé communautaires inventés à la fin des années 90 en Haïti, permet à des membres des communautés de s’investir dans l’accompagnement vers le système de droit commun des personnes qui en sont les plus éloignées car parlant peu ou mal la langue, issues d’une culture différente, ou vivant dans la précarité… Une activité qui se rapproche de la fonction des médiateurs en santé en France. « Des résultats tangibles sont observés auprès des patients, par exemple une amélioration au niveau de l’hémoglobine glyquée des patients diabétiques, un moindre recours aux services d’urgence, ou une meilleure observance des prescriptions médicamenteuses », a résumé Ami Shah, directrice adjointe d’un programme de santé communautaire.

La messagerie SMS permet l’offre de nouveaux outils, notamment en prévention. Au Sénégal, des messages élaborés à l’intention des personnes diabétiques ou de leurs médecins non généralistes sont mis en œuvre depuis quelques années. En France, c’est par ce biais que l’entreprise Calmedica rappelle aux patients, la veille d’une intervention chirurgicale en ambulatoire, la préparation, le jeûne, les mesures d’asepsie, l’heure du rendez-vous, etc. Le robot les recontacte aussi à J +1. « C’est le cas à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP), explique Corinne Segalen, médecin et présidente de Calmedica. Cela leur a permis de libérer du temps infirmier pour créer des consultations. »

Enfin, le dispositif Asalée a été mis en avant. Parti des besoins d’un territoire en voie de désertification médicale, il permet l’association d’une IDE avec un ou plusieurs médecins pour l’accompagnement de quatre profils patients : diabétiques, personnes à risque cardio-vasculaires, victimes de troubles de la mémoire ou à risque de BPCO. L’IDE propose des consultations d’éducation thérapeutique mais aussi des activités financées par des actes dérogatoires (prescription de tests de dépistage, d’examens biologiques, etc.) « Chacune a une activité singulière, parce qu’on travaille avec des médecins également singuliers, sur des territoires spécifiques, précise Anne Bramaud du Boucheron, IDE Asalée. L’une a fait tout un travail sur l’accès aux soins dans la communauté malienne, d’autres ont créé des jardins thérapeutiques ou développé une activité autour du sevrage tabagique…

Des perspectives encourageantes, car les innovations présentées ont été évaluées et ne représente en aucun cas des « soins au rabais ». Reste à savoir comment le système de santé occidental pourrait les intégrer et à s’attaquer aux nombreuses résistances qui risquent de se manifester.

Sandra Mignot