Lors des journées d'études du Cefiec, une enquête sociologique, réalisée par des étudiantes de l'IFCS de Strasbourg, démontre que la mobilité ponctuelle et imprévue est source de crispations pour les soignants et les cadres, alors que les remplacements anticipés sont mieux vécus par l'ensemble du personnel.
La question de la mobilité a occupé une partie importante du programme des 73èmes journées d'études du Comité d'entente des formations infirmières et cadres (Cefiec), qui se tiennent à Strasbourg, du 6 au 8 juin. Quatre étudiantes de l’Institut de formation des cadres de santé (IFCS) de Strasbourg ont ainsi livré les résultats de leur recherche, menée auprès de 52 cadres (1) des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), et sous la direction de Patrick Colin, sociologue, portant sur la mobilité du quotidien, c'est-à-dire au sein de l'établissement. « On distingue la mobilité ponctuelle, définie comme le fait de pallier une absence imprévue ou une surcharge de travail, de la mobilité anticipée, qui est prévue dans le planning de plus ou moins longue date », précise Patrick Colin.
Ces deux phénomènes sont vécus différemment par les équipes. La mobilité ponctuelle fait partie de la vie des services, et les cadres interrogés disent y avoir recours quatre fois par mois en moyenne. Dans 71 % des cas, cette mobilité est négociée avec les agents, mais 40 % des cadres l'imposent « parfois » et 19 % « souvent ». Ils reconnaissent que la mobilité ponctuelle a des effets néfastes sur l'organisation du service, mais aussi sur le moral des soignants. Pour les cadres, 29 % de ces derniers expriment d’ailleurs de la peur et 27 % du stress, liés au fait de devoir travailler dans un contexte moins bien maîtrisé. Pour les accompagner, un tiers des cadres propose de travailler en binôme, tandis qu’un autre tiers s'appuie sur le développement des compétences en amont, via des formations.
À l'inverse, la mobilité anticipée est mieux vécue. 60 % des cadres peuvent faire appel à un pool de remplacement dans leur établissement, même si deux tiers estiment que ce pool est insuffisant. Plus de la moitié des interrogés indiquent que la mobilité anticipée n'est jamais imposée. Les soignants concernés mettent en avant, pour leur part, une opportunité d'ouverture. Les cadres rapportent cependant que 22 % des soignants expriment du stress. 41 % des cadres font ainsi appel à une organisation en binôme, 39 % mettent l'accent sur le développement des compétences en amont. « Le constat que la mobilité est vécue différemment selon qu'elle est ponctuelle ou anticipée rejoint la thèse d'Edith Van Schingen, qui a mené une enquête, en 2013, auprès de 3077 infirmières », conclut Patrick Colin.
Donner un sens à la mobilitéPhilosophe et coach, Francine Friedrich invite les cadres à stimuler le questionnement des soignants, plutôt que d'essayer de les convaincre. « Il faut éviter que la personne qui a peur soit rigidifiée dans ce qu'elle craint », avertit-elle. Elle rappelle, à cet effet, les trois éléments qui alimentent l'angoisse : la surestimation du danger, la sous-estimation de ses capacités à y faire face et la volonté de tout contrôler. « Pour accompagner la mobilité, il faut lui fixer un cap, lui donner un sens basé sur des valeurs partagées et communiquer avec les personnes, en entendant vraiment ce qu'elles ont à dire, conseille-t-elle. S'engager dans une démarche appréciative, qui reconnaît autant les efforts que les résultats, est également un levier intéressant pour susciter l'entraide et la solidarité. » |
Lisette Gries