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Avez-vous tendance à négliger, voire oublier les soins bucco-dentaires de vos patients ? Marie-Fleur Bernard, ancienne cadre de santé à l’hôpital Émile-Roux (AP-HP), s’est penchée sur la question. Un travail, réalisé dans les années 2000, qui a porté ses fruits au sein de son établissement et qu’elle a partagé au Salon infirmier le 31 mai dernier.
« Les soignants oublient parfois que la toilette, c’est aussi l’hygiène buccale, regrette Marie-Fleur Bernard. Pourtant, la toilette bucco-dentaire favorise le confort, les besoins fondamentaux, les liens affectifs et prévient l’abandon social. » Si le décret professionnel des infirmiers de 2004 précise que les soins d’hygiène relèvent du rôle propre infirmier, « dans 70 % des cas, les soins de bouche ne sont pas réalisés, poursuit la cadre de santé. Cela peut être perçu comme de la négligence ou de la maltraitance, souvent inconsciente, de la part du soignant car cette absence d’hygiène a un retentissement sur la personne soignée. »
En 2001, son enquête sur la question de l’hygiène bucco-dentaire lui permet d’identifier quatre difficultés auxquelles les soignants peuvent être confrontés et d’expliquer la rareté de ces soins. Tout d’abord, l’état et la réaction des personnes soignées qui sont parfois autonomes mais dépendantes, donc dans l’incapacité physique de réaliser elles-mêmes leurs soins bucco-dentaires ou de les décider pour elles-mêmes. « Cette situation peut entraîner des refus de soins, un trismus involontaire ou même une forme de passivité », précise Marie-Fleur Bernard. Autre difficulté : l’aspect technique et la méconnaissance des procédures ainsi qu’un matériel dédié souvent absent dans les structures. « Il arrive aussi que le matériel ne soit pas rassemblé dans un set de soins de bouche, ou dans un lieu spécifique », rapporte la cadre de santé. Les aspects organisationnel et institutionnel peuvent également être un point de blocage. « Les infirmières justifient parfois l’absence de soins par un manque de temps qui peut être lié à une insuffisance de personnel ou à un turn-over fréquent, indique Marie-Fleur Bernard. C’est difficile pour elles. » Enfin, le vécu des soignants peut influencer leur manière d’être au chevet des malades. « Ils peuvent, par exemple, avoir un sentiment d’intrusion en réalisant ces soins », explique-t-elle.
« Dans les services, il y a urgence à réagir et à mettre en place des actions correctives face à la réalisation de ces soins », poursuit la cadre de santé. À Emile-Roux (AP-HP), un groupe de travail s’est réuni une à deux fois par semaine, de 2000 à 2005, pour un partage d’expérience. Les techniques, procédures et pratiques existantes ont été réalisées, tout comme les lésions buccales les plus rencontrées par les soignants. « Nous avons ensuite élaboré des recommandations par type de bouche (bouche sale, sèche, malodorante, douloureuse…) et mis en place des outils pour permettre l’application des procédures », indique Marie-Fleur Bernard.
Une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) peut également être réalisée pour identifier les difficultés et mettre en place des actions correctives afin de s’assurer que les patients bénéficient des soins de bouche tels que préconisés dans les procédures de l’établissement. « Une EPP mérite d’être organisée une fois par an dans les services afin de déterminer l’écart entre la pratique réelle et la pratique attendue, et instaurer des actions d’amélioration prioritaires au bénéfice du confort du patient », conseille la cadre de santé.
Laure Martin
POUR ALLER PLUS LOIN :
"Soins d’hygiène bucco-dentaire aux personnes âgées et dépendantes", Marie-Fleur Bernard, éd. Lamarre