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Dans une étude publiée le 21 juin, le Conseil d’État se dit favorable à un assouplissement de l’interdiction de publicité « directe ou indirecte » applicable aux professionnels de santé. Qu’est-ce que cela changerait pour les infirmières libérales ?
Si l’interdiction pour les professionnels de santé de se faire de la publicité est toujours de rigueur, elle pourrait bientôt devenir moins stricte. Dans une étude rendue publique le 21 juin dernier, le Conseil d’État s’est, en effet, déclaré favorable à un principe de « libre communication » des informations applicable aux professionnels de santé. Son principal argument ? L’obsolescence de l’interdiction actuelle car des informations non officielles sur les professionnels de santé circulent déjà sur Internet – via les commentaires d’internautes ou sur les réseaux sociaux. L’idée est aussi de lutter « contre la concurrence déloyale », car certains professionnels, comme les ostéopathes, échappaient à cette interdiction. « Cela va permettre de clarifier les règles, en distinguant bien la publicité de l’information (voir encadré), et de remédier ainsi à la dissymétrie existante entre ceux qui font du référencement sur Internet et les autres, approuve Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Par ailleurs, il est important que les infirmières qui se forment régulièrement et acquièrent ainsi des compétences puissent le valoriser vis-à-vis des patients. »
Concrètement, quels changements pourraient découler de cet avis ? Dans son rapport, le Conseil d’État détaille 15 propositions. Aujourd’hui, les possibilités de communication sont très limitées : les infirmières libérales peuvent afficher leurs coordonnées dans l’annuaire ou sur Internet, et apposer sur leur cabinet une plaque portant leurs nom, numéro de téléphone et diplômes, mais c’est à peu près tout. Elles pourraient désormais proposer une description plus précise de leurs compétences et pratiques professionnelles, de leur parcours ou encore, de leurs conditions matérielles d’exercice, par exemple en précisant si elles acceptent la carte bancaire. En revanche, toujours pas question d’exercer la profession « comme un commerce » – en diffusant des spots à la télé ou en placardant de grandes affiches dans la rue – ni de se livrer à la publicité comparative, en se prétendant plus expert ou moins chère qu’une autre Idel du secteur.
Si les modes de publication autorisés devraient être déterminés ultérieurement par les Ordres professionnels, le Conseil d’État insiste sur « le respect des règles déontologiques ». Il se dit ainsi opposé à tout référencement numérique payant et préconise de ne pas autoriser les avis de patients sur les supports numériques, car leur « contenu est difficilement vérifiable ».
Quoi qu’il en soit, l’application de ces recommandations ne sera pas immédiate, puisqu’il faudra d’abord que les Ordres adaptent leurs codes de déontologie. « On n’a pas encore de calendrier, confirme Patrick Chamboredon. Il va falloir que l’on réfléchisse aux diplômes et titres que nous allons labelliser et qui pourront apparaître sur la plaque. Il me semble également indispensable de travailler avec les pays voisins afin d’harmoniser les règles au niveau européen. C’est l’avenir ! »
Sur les réseaux sociaux, certaines infirmières libérales se montrent moins optimistes, remarquant que le code de déontologie n’est pas toujours respecté car des plateformes de mise en relation pratiquent le référencement, « forçant » les libérales à faire de même… « S’ouvrir à la publicité, c’est ouvrir la boîte de Pandore, admet Abdel Iazza, de la Fédération nationale des infirmiers Paris. Le cabinet le plus riche risque d’écraser les autres et on court vers une inflation du prix du mot-clef, qui risque de se répercuter sur les patients. C’est pourquoi l’Ordre devrait édicter une charte par laquelle les plateformes s’engageraient à ne pas tricher. » Il estime toutefois que le principe de libre communication tel que formulé par le Conseil d’État aura un impact limité et ne répond pas, en l’état, aux attentes de la profession. « Pour l’instant, très peu de nos patients, qui sont plutôt âgés, nous trouvent sur Internet. Les infirmières étaient plutôt en demande de grandes devantures sur lesquelles afficher leurs compétences. Car la réelle distorsion de concurrence reste avec les services de HAD, qui étalent leur numéro de téléphone sur leur voiture. Mais nous ne les rejoindrons pas sur ce terrain, car cela va contre notre déontologie. »
Publicité ou information ?D'après le Code de la santé publique, « sont interdits tous procédés directs ou indirects de réclame ou de publicité et notamment une signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale ». Mais il autorise toute infirmière à diffuser « ses nom, prénoms, adresse professionnelle, numéros de téléphone, de télécopie, adresse électronique professionnels, titre de formation et horaires de permanence ». Ces données constituent non pas de la publicité mais des informations « utiles » aux usagers, dont la liste pourrait s'élargir prochainement. |
Hélène Colau