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Emmanuel Macron a annoncé, mardi 18 septembre, sa stratégie de réforme du système de santé, déclinée en 54 mesures. Parmi les projets phares : la fin du « numerus clausus » pour les études en médecine et la création des assistants médicaux. La profession infirmière dénonce un plan relativement flou, qui n’a pas pris en compte ses revendications.
C’est une réforme qui n’était initialement pas prévue au programme du président de la République et qui a été élaborée dans le plus grand secret depuis le printemps. Mardi 18 septembre, Emmanuel Macron a prononcé un grand discours à l’Élysée devant les représentants du monde de la santé, qui ont paru globalement plutôt satisfaits des annonces faites. Seule la profession infirmière a semblé plus sceptique sur un certain nombre de points.
Première déception : le chef de l’État n’a pas annoncé de réels moyens supplémentaires. « Notre système de santé n’est pas sous-financé mais il est mal organisé », a fait valoir Emmanuel Macron. Un coup de pouce symbolique sera donné au budget de la Sécurité sociale pour 2019 : 400 millions d’euros de bonus sur un total de dépenses de santé annuelles de près de 200 milliards.
La mesure la plus emblématique du plan est la suppression du numerus clausus pour accéder à la 2e année des études de médecine, qui conduit aujourd’hui à un « véritable gâchis humain » selon les mots de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Sa collègue, la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, souligne quant à elle que « les formations en santé sont aujourd’hui éclatées en une myriade de cursus, organisés pour les uns à l’université, pour les autres ailleurs ». Les contours précis de cette réforme de premier cycle des études en santé, qui devrait entrer en vigueur à la rentrée 2020, ne sont pas encore arrêtés mais on sait que des passerelles entre les cursus devraient être facilitées.
S’agissant de la profession infirmière, le chef de l’État a salué dans son discours les pratiques avancées. « Des décisions seront prises pour valoriser et rémunérer de nouvelles pratiques dites “avancées” pour les infirmières, maillon essentiel de nos équipes soignantes, a-t-il annoncé. Cette forme moderne d’exercice permettant à des professionnels paramédicaux de se voir reconnaître des compétences relevant réglementairement des médecins, souhaitée depuis plus de dix ans, est enfin possible. »
Autre mesure phare du plan pour dégager du « temps médical » : la création, en ville, du métier d’assistant médical, dont la fiche de poste est encore floue. « Il va falloir définir dans un dialogue avec les professionnels ce que sera le périmètre des missions exercées par ces assistants, qui pourront avoir un profil soignant mais aussi être capables d’assurer un certain nombre de tâches administratives », a expliqué Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam). Ces 4000 assistants que les médecins de ville pourront embaucher avec le soutien financier de l’Assurance maladie, d’ici à 2020, pourraient ainsi être des infirmières, des aides-soignants ou des secrétaires médicales.
Enfin pour l’hôpital, le plan conforte la ligne dessinée par la loi Touraine de 2016 : expérimentation de financement au parcours de soins, augmentation de l’enveloppe allouée au financement à la qualité et gradation de l’offre de soins au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Ainsi, 500 à 600 hôpitaux locaux vont être labellisés « Hôpitaux de proximité » d’ici à 2020. Sans service d’urgences ni de maternité, leurs missions seront centrées sur la médecine polyvalente, la gériatrie et les soins de suite et de réadaptation.
L'Ordre national des infirmiers a réagi à la création du nouveau métier d'assistants médicaux. Il dénonce « un grave retour en arrière vers une médecine d’un temps révolu, celle d’une époque où les épouses des médecins travaillaient gratuitement au cabinet. Mais cette fois-ci c’est l’Assurance maladie, donc la collectivité, qui paie. » Il estime en outre qu’il est « illusoire de croire que les assistants médicaux peuvent résoudre le problème des déserts médicaux. Ce n’est pas en leur finançant un assistant que les jeunes médecins voudront davantage s’installer à la campagne ou en zone péri-urbaine. »
Même son de cloche du côté des syndicats. Dans un communiqué, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) regrette de n’avoir pas été consulté et estime que la mesure « bénéficiera avant tout aux seuls médecins ». Tandis qu’à la Fédération nationale des infirmiers (FNI), le président, Philippe Tisserand, estime que les infirmiers libéraux sont les « grands oubliés » de la réforme. « Le président de la République a fait un trait d'humour dans son discours en disant qu'il aurait souhaité qu'on pousse l'amplitude horaire des dispensaires et des maisons de santé jusqu'à 22 h, a relevé Philippe Tisserand sur France Info. Mais encore une fois, il faudrait que le président de la République prenne conscience qu'une journée d'infirmière libérale commence à 6 h du matin, contrairement à une journée de médecin généraliste, se termine à 22 h le soir et que nos cabinets sont ouverts sept jours sur sept. »
Véronique Hunsinger