© Hélène Trappo
La rentrée sociale a commencé ce mardi 9 octobre, avec une journée nationale de grève contre la politique du gouvernement. Les infirmières étaient de la partie, dans la foulée d’un plan santé jugé indigent.
Plusieurs dizaines de milliers de salariés ont défilé ce mardi 9 octobre dans toute la France, à l’initiative de trois syndicats contestataires (CGT, FO, Solidaires) et des organisations de jeunesse (Unef, Fidl, UNL), pour protester contre la politique sociale du gouvernement. Un mouvement auquel ont participé les blouses blanches, à Paris, Angers, Lille ou encore Soissons (Aisne).
« C’est une journée point d’orgue, pour que chacun puisse marquer son mécontentement », indique Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Bien que rattaché à la CFE-CGC (cadres), non présente à la manifestation, le SNPI avait décidé de profiter de cette journée pour mobiliser ses troupes, aux côtés de la CGT Santé action sociale et Sud santé sociaux.
Les revendications n’ont pas de quoi surprendre les habitués – conditions de travail, revalorisations salariales, prime de nuit et indemnité de week-end, maintien des emplois et des lits, abrogation du jour de carence et défense du système de retraite –, mais le dévoilement du plan Santé 2022 en septembre leur donne une acuité singulière. « Les infirmières sont les grandes oubliées du plan Santé, et les annonces du gouvernement sont complètement à côté de la plaque, s’agace Thierry Amouroux. Par exemple, les 400 millions d’euros sur la table, c’est un mensonge gros comme eux ! »
Un effet de manche également dénoncé par les autres syndicats infirmiers, et par le collectif des 1300 hospitaliers réunis par le Pr Grimaldi. Du fait notamment du vieillissement de la population, les dépenses de santé augmentent naturellement d’environ 4 % par an. En limitant l’évolution de ces dépenses (le fameux Ondam) à 2,5 % en 2019, au lieu de 2,3 % l’année précédente, le gouvernement assouplit la rigueur mais n’alloue pas de marge de manœuvre. « Il y a une énorme souffrance par rapport au manque de moyens, et ça ne fait qu’empirer », tranche le syndicaliste, lui-même infirmier à l’AP-HP.
Un constat partagé au sein de la Confédération nationale infirmière (CNI), autre syndicat représentatif des infirmiers salariés. Si elle reconnaît au plan Santé sa qualité de « diagnostic partagé », Nathalie Dépoire, présidente du CNI, en dénonce l’absence d’action concrète. « On a l’impression que l’urgence de la situation n’est pas perçue. »
La CNI n’a pas participé au 9 octobre mais planche sur une « action ciblée soignants », dans « la deuxième quinzaine de novembre ». Cette mobilisation devrait rassembler la plupart des syndicats infirmiers, salariés comme libéraux. « Le dénominateur commun, c’est que les soignants se sentent oubliés », résume Nathalie Dépoire. Et tiennent à le faire savoir.
Yvan Pandelé
Des échos de la manifestation à ParisDans le cortège parisien, on a rencontré en particulier les infirmiers en psychiatrie, venus battre le pavé pour faire entendre leurs revendications et témoigner de leurs conditions de travail. « Macron veut prendre 1,2 milliard dans la masse salariale des hôpitaux, c'est inadmissible sachant que la population de patients ne fait que grandir alors que les effectifs diminuent. C'est 30 000 postes à l'hôpital qui disparaissent. Dans mon service, l'hospitalisation sous contrainte représente 60 % environ de la population que nous accueillons. C'est énorme. On ne peut plus assurer nos missions. Nous sommes face à des malades qui, outre leur pathologie, sont désocialisés. Et on ne peut plus les accompagner vers l'éducatif. Tous nos effectifs sont concentrés sur du gardiennage. En psychiatrie, on est censé être quatre infirmiers et un aide-soignant pour trente patients », s'insurge un infirmier de l'hôpital de l'EPS Barthélémy-Durand, à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). « Il faut qu'on arrête de fusionner les établissements pour supprimer les postes et des lits. Avec le GHT, on a commencé à fermer des services. Et là, au 1er janvier, la psychiatrie parisienne passe en GHU, ce qui veut dire encore des fusions et des fermetures de lits alors que la psychiatrie est en surpopulation. Deux infirmiers pour 35 patients, ce n'est pas possible. Sachant qu'on est aussi confrontés à la violence de patients, ce qui nous met nous-mêmes en danger. Mettre le plus de patients possible dans le moins d'espace possible avec le moins de lits possibles, ce n'est pas acceptable », témoigne une infirmière de l'établissement public de santé Maison-Blanche, à Paris. Propos recueillis par Hélène Trappo. |