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Une étude, menée par l’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux et l’Institut national de recherche et de sécurité, a porté sur les grossesses au travail dans les établissements de santé. Premier constat : les soignantes enceintes sont exposées à de nombreux risques, indique Hélène Béringuier, médecin du travail et présidente de l’association.
Pouvez-vous d’abord nous préciser le rôle de l’Association nationale de médecine du travail et d’ergonomie du personnel des hôpitaux (ANMTEPH) ?
Cette association a été créée en 1963 par un groupe de médecins du travail de Strasbourg et de Lyon. Au fil du temps, le cercle s’est ouvert et nous avons aujourd’hui parmi nos adhérents, des infirmières en santé au travail, des psychologues et un ergonome. Notre objectif est de partager et d’échanger au sein de notre profession sur les pratiques hospitalières. Nous sommes aussi un organisme de formation depuis 1984. Nous avons des modules de formation thématiques pour les infirmières, notamment sur les entretiens infirmiers, le fonctionnement des infirmiers en santé au travail en milieu hospitalier, l’ergonomie et les études de postes.
Votre étude(1) s’est portée sur les grossesses au travail au sein des établissements de santé. Quels éléments marquants retenez-vous ?
Le plus marquant, c’est la pluri-exposition des soignants durant leur grossesse. Il y a les risques chimiques et les risques biologiques. Mais aussi les risques physiques avec la station debout, les manutentions, les horaires atypiques (irréguliers, décalés, de nuit, supérieurs à huit heures, fractionnés, et sans deux jours de repos), le port de charges. De plus en plus, il y a aussi les agressions verbales quasi quotidiennes et les agressions physiques dans les services d’urgence notamment. À ma connaissance, c’est le seul métier qui cumule toutes ces expositions. Et globalement, cela est banalisé dans le quotidien des infirmières et des aides-soignantes. Elles se plaignent assez peu alors que l’étude montre que près de 52 % des femmes qui travaillent à l’hôpital sont exposés à au moins cinq risques. L’autre point marquant, c’est que 16 % sont dans une situation de précarité. C’est considérable !
Comment allez-vous intervenir pour améliorer ce constat ?
Au vu des résultats, nous avons constitué, au sein de l’ANMTEPH, un groupe de travail spécifique sur ce sujet qui se réunira pour la première fois d’ici fin novembre. Dès 2019, nous allons concrétiser nos actions. Elles vont porter sur la diffusion d’information à travers des plaquettes sur les risques potentiels dès le début de la grossesse. Il serait bon de les faire connaitre dès l’embauche. Par ailleurs, les consultations en santé au travail dès le début de la grossesse parlent des risques liés au tabac, à l’alimentation mais elles doivent aussi introduire les risques professionnels. Il faudra sans cesse rappeler la nécessité d’une hyper-vigilance sur les équipements de protection individuelle. Les établissements doivent aussi clairement se poser la question de l’aménagement des postes de travail. Aujourd’hui, bien souvent, la seule solution apportée, c’est l’arrêt de travail. Mais pour aménager les postes, il faut vraiment faire preuve de bonne volonté !
Isabel Soubelet
(1) « Grossesses au travail dans les établissements de santé, état des lieux 2017 », étude menée d’avril à décembre 2017 auprès de 1116 salariés dont 73 % de soignants (46 % d’IDE, 18 % d’aides-soignantes, 9 % autres).