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Isabelle Paret, infirmière libérale dans le Var, lançait, à la suite d’un problème médical, une cagnotte en ligne (1) pour parvenir à payer ses cotisations Carpimko. C’était fin 2017. Aujourd’hui, elle est contrainte d’arrêter son activité libérale. Témoignage.
Isabelle Paret : Entre 2008 et 2016, mon cabinet libéral a très bien tourné. Mais un matin d’avril 2016, je me suis réveillée avec une sciatique paralysante en raison d’un kyste – qui s’est avéré par la suite être une tumeur – entre deux lombaires qui comprime le nerf, ce qui nécessitait une opération chirurgicale. En attendant, sur ordre de mon chirurgien, j’ai réduit mon activité professionnelle et supprimé les soins de nursing, soit 85 % de ma clientèle. Mais la diminution de l’activité n’implique pas celle des charges. Ma situation financière s’est donc lourdement aggravée et, venant à bout de mon épargne, je ne suis plus parvenue à payer mes cotisations Carpimko dans leur intégralité. J’ai donc lancé une cagnotte pour payer mes dettes. Depuis mars 2017, je suis en arrêt total de travail. La prévoyance a bien pris le relai pendant les 90 jours de carence de la Carpimko mais par la suite, cette dernière a refusé de me payer car justement, je n’étais pas à jour de mes cotisations malgré la mise en place d’un échéancier. Elle a alors fait appel aux huissiers.
Etant en grande difficulté financière, j’ai fait une demande de redressement judiciaire au tribunal de grande instance (TGI) pour mon activité libérale. Mais le TGI a estimé que je n’avais pas assez de dettes professionnelles pour être admise à ce titre. Or, j’ai justement fait des efforts pour payer mes charges professionnelles, quitte à être endettée d’un point de vue personnel. J’ai été un peu dépitée de cette décision, d’autant que j’avais toujours mon combat avec la Carpimko à mener. Car même si j’ai été mise en arrêt de travail en mars 2017, elle m’a demandé de payer la cotisation pour mes deux mois de travail sur l’année 2017, soit 2900 euros. Mais je n’avais plus d’argent. La situation serait néanmoins en train d’être réglée.
Lorsque je me suis fait opérer en novembre 2018, le chirurgien a découvert que je n’avais pas un kyste mais une tumeur bénigne au niveau des lombaires, ce qui a conduit à une neuropathie séquellaire. Les conséquences sur le nerf sciatique sont importantes notamment au niveau de ma cuisse, et je ne peux pas rester en position debout longtemps. Le chirurgien estime que je dois être reclassée comme travailleur handicapé. J’ai donc fait une demande de radiation à la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) pour pouvoir déposer une demande de liquidation judiciaire au TGI et cesser mon activité professionnelle. Je suis convoquée le 4 avril devant le TGI.
Aujourd’hui, face à cette situation, je vais mieux. Mais il y a encore un mois, psychologiquement, c’était lourd. Pour moi, être infirmière, c’est être présente physiquement auprès du patient, être dans l’action, et si je ne peux plus exercer en libéral, je pensais au moins pouvoir pratiquer dans un service de soins hospitaliers. Mais cela ne va pas être possible. Je fais donc le deuil de ma profession. Mon arrêt de travail est encore renouvelé pour un temps indéfini, mais j’imagine que lorsque je pourrai retravailler, je trouverai un intérêt et je parviendrai à être heureuse de mon activité professionnelle comme infirmière scolaire, à la Sécurité sociale ou à un autre poste.
Propos recueillis par Laure Martin
(1) Lire « L’Infirmière libérale magazine », n° 346, avril 2018, L’Exercice au quotidien Difficultés économiques, une Idel fait appel à la solidarité.