© D. R.
Cinq services d’urgences parisiens sont en grève illimitée depuis lundi 15 avril, quatre autres ont déposé des préavis. Un « collectif inter-urgences », indépendant des syndicats, est en train de se structurer.
Un mouvement de grève né sur le terrain, animé par un « collectif inter-urgences » de paramédicaux de terrain, qui est en train de tisser des liens dans tous les services d’urgence de l’AP-HP, et au-delà. Olivier Youinou, le secrétaire générale de Sud santé à l’AP-HP, essaie de trouver des éléments de comparaison : « Il n’y en a pas beaucoup, peut-être 1988. » Il fait ainsi référence aux dernières grandes grèves infirmières, qui furent un tournant dans la valorisation du métier. L’ampleur du mouvement de grève naissant à Paris n’est pas comparable. Cinq services d’urgence sont pour l’instant en grève illimitée : Saint-Antoine, La Pitié Salpêtrière, Saint-Louis, Tenon, Lariboisière. Quatre autres ont déposé des préavis et devrait entrer dans le mouvement dimanche : Robert-Debré, l’Hôpital européen Georges-Pompidou, Cochin, le Kremlin-Bicêtre. Et des contacts sont pris avec d’autres services d’urgence en France.
Le collectif inter-urgences qui s’est constitué, composé uniquement d’infirmières et d’aides-soignantes, s’est mis d’accord sur deux revendications communes : une reconnaissance de la pénibilité du travail, à travers une prime de 300 euros mensuels, suffisante pour redonner de l’attractivité aux métiers ; et des recrutements à la hauteur des référentiels d’effectifs du syndicat Samu Urgences de France. Lors de la première réunion de négociation au siège, lundi, le directeur des ressources humaines de l’AP-HP a admis que, suivant ce référentiel, il manquait 700 postes dans les 25 services d’urgence de l’institution. Il en a proposé 61, ainsi qu’une seule prime de 250 euros pour les paramédicaux. C’est insuffisant pour le collectif.
En 2019, comme en 1988, les soignants des urgences « manquent de tout », dans un contexte d’explosion de la fréquentation, de + 5 % par an en moyenne. « Au départ, il y avait des périodes plus calmes, cela n’existe plus, raconte l’infirmière de la Pitié Salpêtrière Morgane Drouet. On a des arrêts longue durée et des congés maternités qui ne sont pas remplacés. On fait appel à des intérimaires, aux heures supplémentaires, ce n’est pas suffisant. On court sans cesse après des brancards, des pieds à perfusion, des appareils pour prendre les constantes vitales. On commence à être épuisé moralement, physiquement. » Son collègue Cyril, infirmier de nuit, confie ressentir « un mélange de honte et de gêne quand je rentre chez moi. Une nuit, j’ai dû laisser s’asseoir une personne âgée, à 3 heures du matin, sur un fauteuil cassé ».
Les délais d’attente aux urgences ne cessent de s’allonger. Hors urgences vitales, elles sont de quatre à six heures, en période normale, affirme le collectif. « Et c’est le temps d’attente pour être installé dans un box, précise l’infirmière Marie, de l’hôpital Tenon. Il faut encore attendre une heure trente avant qu’un médecin se présente. Et encore une heure trente pour que l’infirmier fasse les soins. » L’aide-soignante Candice Lafarge, de l’hôpital Saint-Antoine, décrit « la difficulté de gérer 200 passages par jour. Dès la fin de la matinée, on a plus de brancards. Notre rendement est tellement important qu’il manque toujours quelque chose : cathéters, poche à perfusion. Et plus il y a de personnes dans un espace clos, plus la tension monte. » Dans un tel contexte, les violences se multiplient. Le mouvement de grève à Saint-Antoine est parti de l’agression de cinq soignants en janvier. Et il y a une semaine, deux soignants ont été à leur tour agressés à la Pitié Salpêtrière.
Caroline Coq-Chodorge
Les urgences la jouent collectifÀ lire dans « L'Infirmière Magazine », n° 405Réservé aux abonnés |