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La révision de la loi bioéthique, prévue en 2018, devrait avoir lieu durant le deuxième semestre 2019 au Parlement. Les différents travaux préparatoires tracent plusieurs tendances, parfois polémiques : trop libérales pour les uns, trop conservatrices pour d'autres.
Le gouvernement doit présenter « cet été » le projet de loi qui doit réviser la loi de bioéthique, avec un an de retard sur le calendrier prévu. La dernière loi de bioéthique date en effet de 2011 et devait être révisée sept ans plus tard, en 2018. Les travaux préparatoires ont été réalisés dans les temps mais l'actualité politique du deuxième semestre 2018, avec la crise des Gilets jaunes, notamment, a bousculé l'agenda initial. On ne connaît donc pas encore les orientations qui seront proposées par le gouvernement ni le périmètre qu'il souhaite donner à cette nouvelle loi. Mais les travaux menés et les rapports publiés en amont de cette révision en donnent une idée.
Entre janvier et avril 2018, les Espaces régionaux de réflexion éthique ont organisé de nombreuses rencontres dans le cadre des états généraux de la bioéthique. Et depuis janvier 2018, l'Agence de biomédecine, le Conseil d'Etat, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ainsi que la mission d'information parlementaire sur la révision de la loi relative à la bioéthique ont publié des rapports dans lesquels ils expriment leurs positions sur les principaux sujets.
Quelques grandes tendances en ressortent, et font parfois l'objet de débats passionnés tant ils confrontent les convictions des uns et les principes des autres. En écho à la promesse d'Emmanuel Macron durant sa campagne pour l'élection présidentielle, un certain consensus se dessine dans les propositions émises dans ces rapports pour étendre le droit de recourir à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Mesure éthique ou sociétale ? Là encore il y a débat mais quoi qu'il en soit, si elle est adoptée au bout du processus parlementaire, il faudra adapter le cadre législatif concernant la filiation. Il faudra aussi envisager les conséquences de l'augmentation prévisible de la demande de sperme de donneur. Pas question en tout cas, visiblement, d'autoriser la GPA, sujet polémique s'il en est. Plusieurs grands principes éthiques inscrits dans le corpus constitutionnel et législatif français s'y opposent. En revanche, il est fortement question de revenir sur l'anonymat total des donneurs de gamètes en vigueur aujourd'hui.
Autre sujet sensible, la fin de vie fait l'objet d'une loi spécifique (« Claeys-Leonetti ») mais plusieurs rapports en font état... Mais ils ne proposent pas de changement pour assouplir la législation française face à l'euthanasie ou au suicide assisté, malgré les pressions multiples dans ce sens. Ils préconisent avant tout le développement des soins palliatifs.
Des sujets moins médiatiques mais tout aussi sensibles sont évoqués par ailleurs. La loi de 2011 devrait aussi être modifiée pour permettre le développement de certaines greffes, sur les donneurs vivants notamment, en autorisant les chaînes de donneurs. Sous la pression de la mondialisation, l'encadrement juridique des tests génétiques (très strict en France) pourrait être modifié et les indications des diagnostics prénatals et pré-implantatoires pourraient être étendues. Mais les craintes vis-à-vis d'un risque d'eugénisme restent fortes. La pression mondiale sur la recherche sur l'embryon obligera aussi la France, probablement, à assouplir sa réglementation afin de « rester dans la course »...
En matière de neurosciences, les progrès de l'IRM cérébrale interventionnelle motivent les demandes du CCNE de limiter très fortement son utilisation dans les domaines judiciaire, du marketing, des assurances ou du recrutement. Plusieurs rapports préconisent enfin d'ajouter à la loi un chapitre sur le numérique et l'intelligence artificielle en santé, qui posent d'intenses questions éthiques en termes de consentement des patients à propos de leurs données de santé, de relation médecin-patient, de responsabilité médicale... Le CCNE souhaite aussi ajouter un volet sur la santé-environnement à la prochaine loi.
Géraldine Langlois