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Le « pacte de refondation des urgences » présenté par Agnès Buzyn en début de semaine a laissé les représentants syndicaux de marbre. Il a en revanche davantage séduit les responsables hospitaliers, sans pour autant déclencher un enthousiasme débordant.
En allongeant lundi un plan « urgences » chiffré à 754 millions d’euros sur trois ans, la ministre de la Santé pouvait légitimement estimer avoir frappé un grand coup. Mais il en fallait plus pour désarmer les grévistes qui protestent depuis le mois de mars contre la dégradation de leurs conditions de travail : le collectif Inter-urgences a voté mardi dernier la poursuite du mouvement, et il recense aujourd’hui 250 services en grève sur l’ensemble du territoire.
« La ministre ne répond pas à nos principales revendications sur les salaires et sur les effectifs », déplore Hugo Huon, président du collectif. « Les 754 millions d’euros supplémentaires annoncés seront pris ailleurs, sur le dos d’autres services, car on raisonne à enveloppe fermée. On ne fait que déplacer la charge de travail sur les autres secteurs. » Et l’infirmier de crier au « mépris » envers les soignants. « Face au manque d’attractivité de nos métiers, la ministre ne répond rien aux aides-soignants, propose des protocoles de coopération (qui peuvent être un piège) et les pratiques avancées (qui sont une coquille vide) aux infirmiers, et n’annonce aucune mesure incitative pour les médecins », attaque-t-il.
Le collectif Inter-urgences n’est d’ailleurs pas le seul à ne pas se satisfaire des propositions ministérielles. L’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) a ainsi annoncé jeudi qu’elle rejoignait le mouvement de grève, estimant que le pacte « ne répond en aucun cas aux problématiques des personnels et des urgences ». Selon Christophe Prudhomme, son porte-parole cité par l’agence APMNews, « il faut d'abord une augmentation de l'Ondam (Objectif national des dépenses d'assurance maladie, ndlr), et après discuter des mesures de réorganisation. »
La Fédération hospitalière de France (FHF) a en revanche salué dans un communiqué de réels progrès. L’enthousiasme des établissements publics est cependant tout relatif. « Les mesures proposées par la ministre constituent enfin une première avancée, mais il va lui falloir du courage politique pour une mise en œuvre efficace », déclare Frédéric Valletoux, président de la FHF. Celui cible notamment le Service d’accès aux soins (SAS), « dont les modalités concrètes restent à définir ».
Les Syndicat des managers publics de santé (SMPS), qui représente les directeurs d’hôpitaux, a quant à lui reconnu que le plan Buzyn contenait « des propositions intéressantes », notamment en ce qui concerne la réforme du financement des urgences et la lutte contre les dérives de l’intérim médical. Mais, souligne l’organisation, d’autres mesures comme la mise en œuvre des « bed managers » ou des filières d’accès directe pour les personnes âgées sont déjà mises en œuvre dans certains établissements, et buttent contre des obstacles techniques. Bref, la ministre a encore du pain sur la planche pour convaincre.
Adrien Renaud