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Agnès Buzyn a dévoilé le 23 septembre dernier la composition des trois ateliers pour la mise en œuvre du pacte de refondation des urgences. Mais la création d’un collectif Inter-hôpitaux, à l’image du collectif Inter-Urgences, illustre la souffrance du système de soins dans son ensemble. Point de vue d’un médecin généraliste.
Nous avons vécu un changement de paradigme : autrefois le médecin généraliste était le médecin de tout recours, allait voir la femme enceinte qui accouche comme la mamie qui a mal au cœur. C’était à lui de réguler le degré d’urgence. Aujourd’hui, les MG sont médecins de premier recours et orientent ensuite vers un spécialiste. Bien sûr, la technologie a évolué, mais tout l’exercice médical a changé aussi.
E.I. : Les urgences sont en grève depuis 9 mois, l’hôpital souffre… Comment expliquer cette embolie générale ?
Le fond du problème, c’est que les patients n’ont pas de visibilité du système. À vouloir centraliser sur le centre 15, on a ramené tout le monde vers les services d’urgences. Il manque une gradation. Le système de santé est un entonnoir : on met tout dedans, et tout entre par les urgences ! Les gens tombent ; ils vont aux urgences, car ils savent qu’ils vont avoir une radio dans la foulée. Il n’y a pas forcément besoin d’aller dans un CHU pour une radio du poignet !
E.I. : On ne peut tout de même pas dire que le système de santé français soit mauvais.
Si les patients viennent directement aux urgences, le tri n’est pas fait en amont. Il est fait sur place. Techniquement, les services d’urgences ont été bien étudiés, chacun pris individuellement fait du mieux qu’il le peut. Une culture de l’urgence s’est développée, avec des métiers spécifiques, des personnels de qualité. Mais au final, les services d’urgences reçoivent trop de monde, trop de cas pour lesquels ils ne sont pas nécessairement adaptés.
Ce qui fonctionne bien, c’est quand le centre 15 régule. Et grâce aux services d’urgence ou aux services de garde de secteur, d’une manière générale la population est bien prise en charge.
E.I. : Il reste que les professionnels de santé considèrent que le système est arrivé à un point de rupture.
Le service public français a un problème de filière et d’organisation. Il ne s’agit pas d’un problème de moyens. Que ce soit l’Assurance maladie, Bercy, les lobbys de professionnels, les syndicats, les hôpitaux, les facultés de médecine… depuis des années, chacun à cherché à jouer pour son camp. Personne n’a pensé un système gradué, avec ce que les anglais appellent un « gatekeeper », qui fait le travail de proximité.
Une solution pourrait passer par des dispensaires répartis sur tout le territoire, ouverts 24h / 24, munis d’un minimum de technologie d’imagerie de base (radiographie, échographie) et le personnel associé (infirmière formée en échographie, opérateur radio, IPA d’urgence…).
E.I. : Comment organiser la communication entre les services d’urgences, les services de proximité, les services de spécialités ?
Le service des urgences pourrait être détaché des hôpitaux. Les hôpitaux reçoivent des malades qui doivent être hospitalisés ; les urgences reçoivent des malades qui doivent être soignés en urgence. Tout en gardant un lien entre le service des urgences et les services de spécialité, la gestion des urgences pourrait se faire en liaison avec les dispensaires locaux ou les maisons médicales locales.
E.I. : Et comment cela ?
Imaginons : je suis dans un bourg de province, avec une personne âgée qui a mal au côté : il faut lui faire un ECG qui puisse être lu à distance par le cardiologue de garde, un peu de biologie… Pas besoin d’occuper un lit pour ça ! Le patient peut être prise en charge dans une structure locale. Et si l’on détecte une urgence nécessitant une technicité particulière, le patient peut être adressé directement et sans intermédiaire au centre compétent dans le réseau local. La gradation des urgences permettrait aussi la gradation des réponses.
Propos recueillis par VSK