Brancard urgences

01/10/2019

Urgences : « Il ne s'agit pas d'un problème de moyens »

Agnès Buzyn a dévoilé le 23 septembre dernier la composition des trois ateliers pour la mise en œuvre du pacte de refondation des urgences. Mais la création d’un collectif Inter-hôpitaux, à l’image du collectif Inter-Urgences, illustre la souffrance du système de soins dans son ensemble. Point de vue d’un médecin généraliste.

Espace infirmier : Vous avez 45 ans de carrière, d’abord en tant que médecin de campagne, puis comme médecin en santé publique, puis gériatre en SSR, enfin en EHPAD… Quel regard portez-vous sur le système de soins aujourd’hui ?

Nous avons vécu un changement de paradigme : autrefois le médecin généraliste était le médecin de tout recours, allait voir la femme enceinte qui accouche comme la mamie qui a mal au cœur. C’était à lui de réguler le degré d’urgence. Aujourd’hui, les MG sont médecins de premier recours et orientent ensuite vers un spécialiste. Bien sûr, la technologie a évolué, mais tout l’exercice médical a changé aussi.

E.I. : Les urgences sont en grève depuis 9 mois, l’hôpital souffre… Comment expliquer cette embolie générale ?

Le fond du problème, c’est que les patients n’ont pas de visibilité du système. À vouloir centraliser sur le centre 15, on a ramené tout le monde vers les services d’urgences. Il manque une gradation. Le système de santé est un entonnoir : on met tout dedans, et tout entre par les urgences ! Les gens tombent ; ils vont aux urgences, car ils savent qu’ils vont avoir une radio dans la foulée. Il n’y a pas forcément besoin d’aller dans un CHU pour une radio du poignet !

E.I. : On ne peut tout de même pas dire que le système de santé français soit mauvais.

Si les patients viennent directement aux urgences, le tri n’est pas fait en amont. Il est fait sur place. Techniquement, les services d’urgences ont été bien étudiés, chacun pris individuellement fait du mieux qu’il le peut. Une culture de l’urgence s’est développée, avec des métiers spécifiques, des personnels de qualité. Mais au final, les services d’urgences reçoivent trop de monde, trop de cas pour lesquels ils ne sont pas nécessairement adaptés.

Ce qui fonctionne bien, c’est quand le centre 15 régule. Et grâce aux services d’urgence ou aux services de garde de secteur, d’une manière générale la population est bien prise en charge.

E.I. : Il reste que les professionnels de santé considèrent que le système est arrivé à un point de rupture.

Le service public français a un problème de filière et d’organisation. Il ne s’agit pas d’un problème de moyens. Que ce soit l’Assurance maladie, Bercy, les lobbys de professionnels, les syndicats, les hôpitaux, les facultés de médecine… depuis des années, chacun à cherché à jouer pour son camp. Personne n’a pensé un système gradué, avec ce que les anglais appellent un « gatekeeper », qui fait le travail de proximité.

Une solution pourrait passer par des dispensaires répartis sur tout le territoire, ouverts 24h / 24, munis d’un minimum de technologie d’imagerie de base (radiographie, échographie) et le personnel associé (infirmière formée en échographie, opérateur radio, IPA d’urgence…).

E.I. : Comment organiser la communication entre les services d’urgences, les services de proximité, les services de spécialités ?

Le service des urgences pourrait être détaché des hôpitaux. Les hôpitaux reçoivent des malades qui doivent être hospitalisés ; les urgences reçoivent des malades qui doivent être soignés en urgence. Tout en gardant un lien entre le service des urgences et les services de spécialité, la gestion des urgences pourrait se faire en liaison avec les dispensaires locaux ou les maisons médicales locales.

E.I. : Et comment cela ?

Imaginons : je suis dans un bourg de province, avec une personne âgée qui a mal au côté : il faut lui faire un ECG qui puisse être lu à distance par le cardiologue de garde, un peu de biologie… Pas besoin d’occuper un lit pour ça ! Le patient peut être prise en charge dans une structure locale. Et si l’on détecte une urgence nécessitant une technicité particulière, le patient peut être adressé directement et sans intermédiaire au centre compétent dans le réseau local. La gradation des urgences permettrait aussi la gradation des réponses.

Propos recueillis par VSK

Les dernières réactions

  • 02/10/2019 à 19:53
    betadine
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    c est LA SOLUTION!!!!!!!est ce si compliqué à mettre en place????
  • 03/10/2019 à 08:40
    cat
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    Bravo , effectivement c'est la solution , si chaque profession accepte de prendre sa place dans la prise en charge des patients , ne se renvoi pas la balle et ne tire pas la couverture à soi . moins de fermetures de lits dans les hôpitaux permettrait aussi de désengorger les urgences mais ce n'est pas le point de vue des gestionnaires qui ne voient que les chiffres et pas les patients !!
  • 08/10/2019 à 19:13
    Dimmi
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    Oui très bonne solution mais encore faut il pouvoir avoir un médecin. En tant qu'Idel est il normal de ne pas avoir la liste des médecins de garde à proximité ?
    De courir après un médecin traitant pour signer un certificat de décès ?
    Alors oui bien souvent je fais tout pour éviter les urgences le we pour ne pas encombrer et surtout pour le confort de nos patients mais quand c'est inévitable ( prise de risque ou non, doute...) nous n'avons pas le choix.
    Un bonne coordination des personnels soignants en ville = désengorgement des urgences
  • 10/10/2019 à 01:46
    Fa
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    Je suis complètement d’accord !!! Il faut d’autres formes de services d’urgence en fonction du degré d’urgence !!! Mais il y a aussi un problème au niveau des médecins de ville... beaucoup de patients disent qu’ils viennent aux urgences parce qu’il ne trouvent pas de médecins traitant ou qu’il n’obtiennent que des rendez vous des semaines plus tard... il y a un énorme manque de médecins de ville, les patients viennent directement aux urgences sans passer par le 15, pour des infections urinaires ou un rhume car il vont être pris en charge rapidement.
  • 15/11/2019 à 07:38
    DROL21
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    Merci il était important que cela soit dit.
    Je rajouterais simplement à cette proposition d'organisation "physique" son double dematerialisé "numérique " les deux structure pouvant se compléter.
    Pour les IPA d'urgence c'est effectivement hors des services d'urgence qu'ils montreront toute leurs pertinences
    La nescessaire adaptation à la spécialité d'urgence des IDE devant se faire par la formation continue comme pour toutes les spécialités médicales.
    Encore bravo pour cette analyse pertinentes.

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