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En marge du mouvement contre la réforme de la retraite, les hospitaliers continuent leur lutte. Après la dernière manifestation du 17 décembre, les organisations syndicales et associations professionnelles ont lancé un appel à faire front commun.
Insatisfaits des annonces gouvernementales pour résoudre la crise de l’hôpital, les soignants sont plus que jamais mobilisés. Les collectifs Inter-Hôpitaux et Inter-Urgences ont organisé, mardi midi à Paris, une manifestation entre l'hôpital Lariboisière et la place de la République, appelant tous les hospitaliers à se battre pour de meilleures conditions de travail et à défendre une santé digne.
« C'est symbolique de partir de Lariboisière, souligne Anne-Claire Rafflegeau, l’une des porte-parole de l’Inter-Urgences et IDE à l'AP-HP. Une femme y est morte sur un brancard, il y a presque dix mois, jour pour jour. » La manifestation, suivie par 2100 personnes selon les forces de l'ordre, a moins rassemblé que celle du 14 novembre. « Malgré les grèves, malgré les autres conflits sociaux, il est important de continuer, de montrer qu'on porte toujours le même message depuis des mois, qu'il ne doit pas être noyé », défend la représentante.
À l'heure actuelle, 269 services d'urgences sont en grève sur l'ensemble du territoire français. Les revendications sont claires. D'abord, l'arrêt immédiat des fermetures de lits. En vingt ans, 100 000 lits ont été fermés. « Des lits sont ouverts la journée mais pas la nuit avec l'ambulatoire. Mais ça ne correspond pas aux besoins de patients polypathologiques... », constate l'infirmière. Les soignants mobilisés dénoncent également un manque d’effectifs. « Il manque dans les services d'urgences 10 000 paramédicaux », soutient l'infirmière. Enfin, ils réclament une revalorisation salariale de 300 euros nets. « Il faudrait 500 euros pour que la France atteigne la moyenne de l'OCDE. Mais c'est déjà compliqué de demander 300... », déplore Anne-Claire Rafflegeau.
En parallèle de cette mobilisation, IPA, Ibode, IPDE et Iade se sont unies, en début de semaine, pour alerter les autorités sur la détérioration exponentielle de leurs conditions de travail. « Dès aujourd'hui, plus que jamais, nous ferons front commun pour, à l'avenir, défendre l'intérêt supérieur de nos professions et proposer des soins de qualité à la population comme elles le font depuis leur création », concluent les différentes organisations concernées dans un communiqué. « C'est rare, une telle convergence, assure Olivier Wacrenier, nouveau président du Syndicat national Ibode. Mais il faut montrer notre force quand l'ensemble des professionnelles disent stop. »
Tous ont pour objectif de rendre l'hôpital public attractif. « Mais comment faire quand la ministre annonce 1,5 milliard en trois ans alors que le budget annuel de l'hôpital public est de 83 milliards par an, s'insurge la représentante du collectif Inter-Urgences. Il y a une fuite du personnel. En mai, il manquait 400 infirmières dans l'AP-HP. Aujourd'hui, 700. »
Un père de famille dont le bébé a été opéré d'une tumeur au rein à Necker témoigne de ce manque dangereux de personnel : « Mon fils a dû être transfusé la nuit précédant l'opération. L'infirmière était seule et devait s'occuper de bon nombre d'autres enfants, elle a mis un cathéter de chimio, plus facile d'accès mais pas recommandé dans ce cas. Plus tard, le cathéter s'est cassé, raconte-t-il. Dans l'hôpital, elles sont débordées, elles mettent parfois vingt minutes à arriver quand on les appelle. Mais elles ne peuvent pas faire autrement... »
« Ce sont des revendications que l'on porte pour éviter les drames, pour répondre à un besoin de santé publique au-delà de nos conditions de travail, appuie Julie Devictor, représentante de l'Unipa. On se bat pour le droit à la santé pour tous et dignement. »
Les infirmières spécialisées luttent aussi pour la réingénierie de leur formation. Charles Eury, président de l'ANPDE, se désole du statu quo : « Le programme actuel pour les infirmières puéricultrices date de 1983... Chaque structure doit se débrouiller pour s'adapter. » Olivier Wacrenier, quant à lui, a écrit une lettre ouverte à Agnès Buzyn, à qui il reproche de repousser la mise en application d'une loi écrite en janvier 2015 sur les actes exclusifs des Ibode. Si chacun défend les spécificités de son métier, tous continuent de se mobiliser ensemble, main dans la main. Mardi, selon l'APM, 12 % de la fonction publique hospitalière était en grève. Tous reprochent au gouvernement de ne pas les écouter et de rester flou.
Thomas Laborde
La pédiatrie en criseAlors qu'une épidémie de bronchiolite frappe l'Île-de-France, 27 enfants, en situation instable, ont dû être envoyés dans des CHU à 200 km de chez eux, faute de place dans la région. « C'est risqué de transporter un enfant en détresse respiratoire. Ça représente en plus un stress énorme pour les parents, insiste Anne-Claire Rafflegeau du Collectif Inter-Urgences. Et ça mobilise un Samu dont nous pourrions avoir besoin pendant plusieurs heures. » Interrogé par APMnews, François Crémieux, directeur de l'AP-HP, a assuré que la saturation en réanimation pédiatrique était anticipée depuis septembre, notamment en raison d'une « réduction du nombre de recrutements en sortie d'écoles d'infirmières. L'AP-HP s’est fortement mobilisée en plaidant au cours des six derniers mois » pour des mesures d'attractivité, a-t-il souligné, rappelant le nombre actuel de « 500 postes vacants d'infirmières ». À Bordeaux, Toulouse et Montpellier, des nourrissons ont aussi dû être transférés dans des CHU éloignés. |