© Ministère de la santé
Après la démission précipitée d'Agnès Buzyn, Olivier Véran, ancien neurologue, a pris la tête du ministère des Solidarités et de la Santé. Les organisations professionnelles ne sont pas dupes : après ce départ décevant, cette arrivée ne changera pas grand-chose.
« C'est un aveu d'échec, un aveu d'abandon », lance sans concession Marie-Pierre Martin, infirmière en pédiatrie à Necker, l'une des représentantes du collectif Inter-urgences. Sa consœur Céline Laville, présidente du CNI, renchérit : « Comment s'en sortir avec les honneurs malgré le contexte... C'est la porte dorée. »
D'autres ont tout de même salué trois ans de collaboration fructueuse. La Fnesi estime que « l’ancienne ministre a su prendre les mesures nécessaires afin de renforcer l’attractivité de la formation en actant la suppression du concours », une position historique de la structure. D'autre part, « la création de la pratique avancée en 2018, longtemps portée par la Fnesi, vient consolider l’offre de soins d’un système de santé en souffrance et favoriser la reconnaissance des infirmières ».
C'est Olivier Véran, neurologue, lui-même issu de l'hôpital public, qui a remplacé au pied levé Agnès Buzyn. Certains se félicitent de cette nomination. Unicancer, grand réseau hospitalier français dédié à 100 % à la lutte contre le cancer, pour avoir « déjà travaillé avec ce fin connaisseur du monde de la santé et des enjeux de l'hôpital public », l'accueille à bras ouverts. « Nous saluons par ailleurs son plan ambitieux pour l’hôpital », affirment les représentants de l'organisme. Le nouveau ministre entend poursuivre « Investir pour l'hôpital », des mesures annoncées en novembre 2019 par Agnès Buzyn : 150 millions d'euros d'investissements, 10 milliards de reprise de dette.
Mais l'annonce de sa première mesure concrète en a irrité plus d'un. « Je veux pouvoir aller poser la question à chaque aide-soignante, à chaque brancardier, à chaque médecin, à chaque directeur d'hôpital, a assuré Olivier Véran. Mener une large consultation pour les associer aux prises de décision sur l'utilisation des millions et des milliards proposé dans le plan. »
Céline Laville, du CNI, s'insurge : « Une nouvelle enquête ? Il cherche à gagner du temps pour nous en faire perdre ! Le constat, ça fait plus un an qu'on le crie, que tous les organisations professionnelles le crient ! » Le présidente du syndicat, qui a déjà un dossier recommandé avec demande de contact au ministre, dès sa prise de fonction, admet quand même « connaître un peu l'homme et ce qu'il a fait pour la santé des Français : taxe soda, poids minimum pour les mannequins... » Mais n'y croit pas : « C'étaient des mesures faciles à mettre en place, disons. Là, il doit gérer la crise de l'hôpital public. Je ne suis pas sûr qu'il trouve une solution miracle parce que même nous on ne la connaît pas ! »
Force ouvrière des personnels des services publics et des services de santé (FO-SPS) souligne avec agacement d'autres de ses actions passées : « Il était à l’initiative de la tentative de modification de la Constitution en essayant de remplacer l’institution Sécurité sociale par la protection sociale et ainsi supprimer les budgets séparés entre l’Etat et la Sécurité sociale. »
De son côté, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) reste prudent. Il relève l'engagement d'Olivier Véran de recevoir les ordres et syndicats professionnels de ville prochainement pour mieux les associer à la « médecine de parcours ». Tous attendent d'être reçus. « De toute façon, Agnès Buzyn nous avait déjà prévenus que ce n'était pas elle qui tirait les ficelles, déplore Céline Laville. Olivier Véran peut penser tout ce qu'il veut, si l'exécutif ne lui donne pas les moyens... »
Une position partagée par le collectif Inter-urgences qui voit noir : « Si le gouvernement continue de serrer la vis, peu importe qui est au ministère, on continuera d'avoir des drames dans nos hôpitaux. » Pour tous, la mobilisation continue. Le CNI soutiendra chaque action des collectifs Inter-hôpitaux et Inter-urgences qui n'ont « pas d'actions officielles prévues pour le moment. Mais on vous tiendra au courant », conclut avec détermination Marie-Pierre Martin.
Thomas Laborde