Anelise Pace, Idel.
En France, le département de l’Oise vit désormais au rythme du coronavirus, et les infirmières libérales du territoire sont à pied d’œuvre. Leur mot d’ordre ? Expliquer, expliquer, et encore expliquer.
« Il y a une sorte de peur panique, on a l’impression de vivre dans une autre dimension. » Depuis quelques jours, Sophie Jeanne, infirmière libérale à Crépy-en-Valois dans l’Oise, passe énormément de temps à faire de la pédagogie auprès de ses patients à propos du coronavirus. Il faut dire que le département de l’Oise est le plus touché par l’agent pathogène apparu en Chine fin 2019, et que la première victime française était originaire de Crépy-en-Valois. De quoi susciter de nombreuses questions de la part des patients.
Bien sûr, les professionnels de santé de proximité que sont les Idel sont en première ligne pour y répondre. « Il y a tout un travail pour rassurer les gens, pour dédramatiser ce qu’on entend à la télé », explique Sophie Jeanne. « Tous les jours, auprès des mêmes personnes, on répète les mêmes choses : les gestes barrière, le lavage des mains…, ajoute Anelise Pace, autre Idel crépinoise. Bien sûr, on passe beaucoup plus de temps chez chacun, et cela rallonge les tournées. Mais on se doit de le faire. »
Autre conséquence concrète de l’épidémie pour les Idel du département : le port du masque. « On doit le porter quand on fait notre tournée », témoigne Katia Rannou, Idel installée à Lamorlaye, commune du département située à quarante kilomètres à l’ouest de Crépy-en-Valois et elle aussi particulièrement touchée par le coronavirus. « Au début, quand les patients nous ont vues arriver masquées, il y a eu beaucoup de questionnements, mais maintenant cela va un peu mieux. »
L’approvisionnement en masques est d’ailleurs assez problématique. « Nous avons pu retirer à la pharmacie une boîte de 50 masques chirurgicaux par infirmière mardi, et avant, nous nous étions partagé avec trois collègues un stock que nous avions, raconte Anelise Pace. Mais normalement, nous devrions avoir des masques filtrants, pas de simples masques chirurgicaux. » Même regret du côté de Lamorlaye. « Nous avons été munis de masques chirurgicaux, mais nous n’avons pas eu de masques FFP2 [masques de protection respiratoire, plus efficaces, NDLR] », raconte Katia Rannou.
Car bien sûr, l’une des grandes peurs pour les soignants, c’est d’être eux-mêmes contaminés. « On s’auto-surveille, je prends ma température deux ou trois fois par jour », indique par exemple une autre Idel de l’Oise qui préfère rester anonyme. La crainte bien naturelle qu’elle éprouve ne l’empêche cependant pas d’être pro-active, et notamment de s’impliquer dans la communication entre les soignants du secteur. « Nous avons mis en place un système sur WhatsApp afin de faire circuler l’information, les directives des autorités, etc. », explique-t-elle.
Reste que tout cela est assez éprouvant. « Le plus difficile à gérer, c’est la psychose des gens », confie cette Idel anonyme. « Et il ne faut pas oublier qu’en plus de nos vies professionnelles, nous avons nos vies personnelles, renchérit Sophie Jeanne. Nous entendons beaucoup de choses pas très agréables. » L’Idel constate en effet que les habitants de l’Oise sont parfois indûment montrés du doigt, et cite plusieurs cas de Crépinois s’étant vu refuser l’accès à leur établissement scolaire ou à leur lieu de travail hors de la commune. Difficile à encaisser quand, par ailleurs, on tente de rassurer au quotidien.
Adrien Renaud
Quid de la continuité des soins ?Comme les médecins libéraux, les Idel peuvent obtenir auprès des pharmaciens d’officine des masques chirurgicaux, sur présentation de la carte professionnelle de santé. La livraison d’un quota minimum de 10 boîtes de 50 masques anti-projection issus du stock national dans chaque officine a commencé depuis le début de cette semaine. Les premières pharmacies livrées sont censées être celles où les cas de contamination se sont déclarés. Selon les endroits, il est difficile d’avoir d’emblée les bonnes quantités, au bon endroit et au bon moment, rapporte notre confrère du Moniteur des pharmacies sur son site, précisant que 80 % des officines avait reçu leur dotation le 4 mars. Selon Catherine Kirnidis, présidente du Sniil (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux) que nous avons contactée, les premières pharmacies livrées sont celles où les cas de contamination se sont déclarés. Dans les autres départements, l’approvisionnement en masques doit avoir lieu dès ce jeudi. Les professionnels peuvent aussi protéger certains patients fragiles. « La question qui va se poser est celle de la continuité des soins si l’infirmière libérale est malade et ne peut aller travailler, notamment pour les patients fragiles comme ceux sous chimio à domicile. En cas de difficulté de remplacement par les collègues, cela pourrait conduire à hospitaliser ces patients. Nous avons eu le cas d’une Idel seule venant d’une zone à risque qui a dû aller travailler avec des protections maximales faute de remplaçants, témoigne Catherine Kirnidis. Mais il ne faut pas participer au mouvement de panique et appliquer les mesures de protection de bon sens qui semblent avoir été oubliées. » Hélène Trappo |
A savoir : Le ministère de la Santé a mis en ligne sur l’espace dédié « Coronavirus : informations aux professionnels de santé », une série de fiches dont une en particulier pour les libéraux et sur les mesures d’hygiène pour la prise en charge d’un patient.