Protection maximum dans les services de soins intensifs, comme ici à L'Hospital del Mar de Barcelone.

15/04/2020

Les infirmières espagnoles sous haute tension

En Espagne, les IDE ont su s'adapter en urgence à une réorganisation profonde des établissements de soin pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Au prix d'un effort physique et d'un stress qui laisseront des traces.

Avec plus de 18000 décès directement liés au Covid-19 et 173 000 cas identifiés, l’Espagne est l'un des pays les plus touchés au monde par la pandémie. Compte tenu de l'organisation très segmentée entre les 17 régions autonomes et la difficulté à centraliser les données, les autorités sanitaires espagnoles ne savent même pas quel est exactement le nombre de morts, ni a fortiori le nombre de personnes atteintes par le virus.

Ce qui est certain, c’est que le personnel soignant paye son tribut à cette crise, puisque plus de 20 000 infirmières et médecins ont été contaminés depuis le début de l'épidémie. Dans un contexte extrêmement tendu ayant nécessité une réorganisation urgente des établissements de soins. « Tout est désormais centré ici sur la prise en charge des patients touchés par le Covid-19 », explique Laura Chiesa, infirmière depuis vingt ans à l'hospital del Mar de Barcelone, qui est passé en quelques jours de 25 à 60 lits de soins intensifs. Comme dans tous les hôpitaux d'Espagne, l'immense majorité des opérations programmées ont été reportées, et
80 % des moyens ont été mis à disposition de la prise en charge du Covid-19. Il a donc fallu réaffecter les infirmières de tous les services : « Les IDE qui travaillent par exemple en chirurgie se retrouvent ainsi aujourd’hui en soins intensifs ou à faire des prélèvements pour les tests, voire directement à l'accueil des malades en fonction des besoins et des effectifs qui varient un peu tous les jours, ajoute Laura Chiesa. Ce qui oblige à travailler au sein d'équipes où l'on ne se connaît pas, avec de nouveaux protocoles et dans des espaces qui ne sont pas habilités normalement pour ce type de prises en charge; » Et c'est pire dans les « hôpitaux de fortune » aménagés à la hâte pour répondre à l'afflux de malades atteints du Covid-19.

« Ça ressemble à un campement de guerre »

À Madrid, une partie des bâtiments du parc des expositions (Ifema) a été convertie pour accueillir 5 500 lits dans ce qui a été présenté comme le « plus grand hôpital d'Espagne » par les responsables politiques locaux. « C'est une fanfaronnade ! , s'indigne Carmen, l'une des 400 infirmières recrutées à Ifema. Ça ressemble plutôt à un campement de guerre, avec les patients et le personnel soignants entassés ! Nous avons passé les treize premiers jours enfermées ici sans même pouvoir nous laver parce qu'il n'y avait pas de douches, à réutiliser les mêmes masques faute d'équipement suffisant. » L’infirmière raconte également comment il a fallu utiliser des manches à balai pour les transformer en pied à perfusion.

Le manque d'équipements de protection pour les infirmières
– et le personnel soignant en général – a été l'un des graves problèmes au début de cette crise sanitaire, et même encore aujourd’hui dans certains établissements de soins.
Ce fut le cas à l'Hospital de Sant Pau de Barcelone, pourtant
l’un des hôpitaux habituellement les mieux dotés en Catalogne. Maria Ferrer-Dalmau (photo ci-contre) y travaille, au service de chirurgie : « Il n'y a pas eu une bonne gestion des moyens individuels de protection au cours des premières semaines, nous avons dû réutiliser les blouses et le masques, ce qui a provoqué à la fois la colère et l'angoisse de tous les professionnels. »

L'infirmière et ses collègues disposent désormais des EPI à usage unique indispensables aux opérations les plus risquées (intubations, extubations, aspiration de sécrétions,...) . Mais les infirmières n'avaient certes pas besoin de ce stress additionnel, qui s’ajoute à la fatigue physique liée aux allongements d'horaires quotidiens ou de rythmes hebdomadaires. « Nous avons une assistance psychologique au sein de l'hôpital en cas de besoin, mais aujourd'hui nous devons faire face, nous sommes dans l'action ; je crois cependant que nous paierons toutes ces tensions accumulées quand nous pourrons enfin nous relâcher, à la fin de cette crise », conclut Maria Ferrer-Dalmau.

Francis Matéo

Solidarité spontanée

Les applaudissements nourris chaque jour à 20 h aux fenêtres, terrasses et balcons, témoignent de la sympathie des Espagnols pour leur personnel de santé en général, et les infirmières en particulier. Au-delà de ces manifestations d'empathie, les solidarités se sont aussi organisées pour trouver des solutions concrètes au déficit d’équipements des hôpitaux. De manière parfois inattendue. À Barcelone, les marchands ambulants à la sauvette (appelés « Manteros »), pour la plupart couturiers, se sont mobilisés pour confectionner gratuitement des vêtements à l'attention du personnel médical, notamment des blouses pour les infirmières de l'hôpital de Granollers. Un millier de masques en tissu ont également été réalisés pour être distribués gracieusement (voir ici le reportage vidéo de Barnanews.com).

Les marchands ambulants à la sauvette de Barcelone ont confectionné gratuitement des masques et blouses pour les infirmières.


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