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Hôpitaux débordés, manque de matériel, dilemmes éthiques, surcharge émotionnelle… Les soignants confrontés à la crise sanitaire liée au Covid-19 ne sont pas épargnés sur le plan psychologique. Une prise en charge s’est déployée.
Il y a d’abord eu le visage de ces infirmières chinoises, plongées dans le désarroi, puis celles des italiennes, au bord de la rupture… Partout où la crise sanitaire fait rage, les infirmières sont en première ligne. Dans les hôpitaux français qui accueillent les patients Covid+, l’angoisse de voir des patients arriver en masse en réanimation stresse les soignants, qui font en plus face à un manque de matériel.
À cela s’ajoute le fait d’être affecté dans des services pour lesquels les soignants ne sont pas toujours suffisamment formés, notamment en réanimation. Les questions qui taraudent les soignants sont multiples. « Va-t-on réussir à prendre en charge tous les patients qui se présenteront ? Est-ce que nous allons résister à la fatigue alors que nous étions déjà en sous-effectif ? Les vacances de certaines d’entre nous remontent à la Toussaint, cette crise ne va pas arranger les choses », témoigne Julie, une infirmière dans un établissement francilien. Et ce n’est pas tout : « Nous avons aussi des interrogations relatives à notre vie en dehors de l’hôpital : peur de contaminer nos proches, angoisse de ne plus les voir suffisamment souvent, problèmes de garde à gérer pour nos enfants, sans compter les courses à faire quand le conjoint travaille aussi en milieu hospitalier ou que l’on vit seule », témoigne-t-elle. Une charge mentale qui s’accroît de jour en jour et qu’il est nécessaire d’accompagner pour éviter qu’elle ne conduise au burn-out.
De fait, le 19 mars, Jérôme Salomon, Directeur général de la santé, a indiqué que « les professionnels de santé en première ligne [pouvaient] s’adresser à des cellules médico-psychologiques de soutien ». A cet égard, de nombreux établissements de santé ont mis en place des cellules de soutien psychologique qui accompagnent les professionnels de santé confrontés dans leur exercice quotidien à des situations difficiles.
C’est notamment le cas dans l’Est, au CH de la région de Mulhouse et Sud-Alsace, mais aussi dans d’autres établissements à l’instar du CHU de Lille, qui a mis en place une ligne dédiée aux soignants. « Cette ligne, accessible en interne, fonctionne de 8 h 30 à 21 h ; la prise en charge est faite par une équipe de psychiatres, psychologues, infirmières de psychiatrie, qui assure soutien et écoute de tous les soignants. Si besoin, nous intervenons aussi en maraude, sur le terrain, pour repérer les difficultés où elles peuvent se trouver et veiller à ce que cela n’aboutisse pas à une désorganisation des services », assure le Dr Frédérique Warembourg, psychiatre référente au CHU de Lille. Une consultation physique est même prévue si nécessaire dans un des établissements de santé mentale du CHU lillois.
De la même manière, dans les hôpitaux parisiens, la Fondation de France est venue en appui pour « accompagner la mise en place des cellules d’aide psychologique pour les soignants éprouvés par les conditions auxquelles ils doivent faire face », tandis qu’à Marseille, une cellule éthique, calquée sur des préconisations du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), propose un soutien aux soignants confrontés à certaines situations difficiles (via le mail : soutien_ethique@ap-hm.fr).
Des plateformes d’écoute peuvent également venir en appui, comme celle de l’association Soins aux professionnels de santé (SPS), qui propose déjà depuis cinq ans un dispositif d’aide et d’accompagnement psychologique via un numéro vert (0 805 23 23 36) fonctionnant en continu 24 h/24, sept jours sur sept, doublé d’une application (Asso SPS). « Notre plateforme permet des téléconsultations ou la mise en relation pour des consultations avec des psychologues, médecins généralistes et psychiatres parmi un panel de professionnels référents, résume le Dr Eric Henry, président de l’association. Nous avons beaucoup de soignants qui sont tiraillés par des injonctions paradoxales : “je suis soignant, je dois soigner, mais j’ai peur d’aller travailler, j’ai peur de contaminer mes proches”. Certains se voient comme des “déserteurs”, alors que non, ils n’en sont pas : ils paniquent, ils ne sont pas capables d’aller travailler. Dans ce cas, il vaut mieux qu’ils se reposent et reviennent un peu plus tard ; via la téléconsultation, nous pouvons les mettre en arrêt, et quand ils iront mieux, ils seront capables de retourner sur le terrain. »
De son côté, Moodwork, un outil numérique spécialisé dans la qualité de vie au travail, met à disposition gratuitement son expertise pour les établissements en proposant « une application qui permet un autodiagnostic, assorti de conseils personnalisés voire un suivi psychologique » explique Léopold Denis, co-fondateur (mail : contact@moodwork.co). Enfin, le site Psychiatre solidarité recense, dans un annuaire, l’ensemble des professionnels psychiatres ou médecins capables d’une prise en charge psychologique, via la téléconsultation.
Anne-Lise Favier