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Les quelque 7500 soignants de l’Education nationale comptent parmi les infirmières dont le taux d’adhésion ordinale est le plus faible. Une caractéristique qui a empêché certaines volontaires d’être sollicitées pour des missions d’urgence sanitaire.
Fin avril, 40 000 professionnels de santé avaient entamé leur inscription sur le site de la Réserve sanitaire. Les infirmières, toutes catégories confondues, ne sont pas en reste : d’après Santé publique France, les inscrites sont passées en quelques jours de 9517 à 13 149 (1). Parmi elles, les professionnelles de l’Education nationale (EN) ont reçu, comme les autres, « plus de 30 alertes » envoyées « depuis fin janvier » aux infirmières pour des missions dans différentes structures(2). Mais à leur grand dam, les infirmières scolaires volontaires qui avaient les compétences requises n’ont pas toujours pu signer de contrat d’engagement, faute d’être inscrites à l’Ordre national des infirmiers (ONI). « L’inscription à l’Ordre n’est pas obligatoire lors de l’inscription à la Réserve sanitaire », précise Santé publique France, « en revanche, elle est exigée pour participer à une mission » afin de « garantir que les réservistes sanitaires sont qualifiés et autorisés à exercer ». Une obligation « totalement décalée » dans le contexte de crise du Covid-19, s’est ému le Snics-FSU(3), qui estime que plus des deux tiers des infirmières de l’EN ne sont pas inscrites à l’ONI.
A l’heure d’autoriser les agents à participer à des missions d’urgence sanitaire(4), certains rectorats se sont eux-mêmes montrés intraitables alors même que le ministère, sollicité par les syndicats sur la question au début de la crise, s’était voulu conciliant. Le Snics-FSU dénonce ainsi « la position de la rectrice de l’académie de Lille qui utilise une crise sanitaire très anxiogène pour contraindre les infirmières à s’inscrire à un ordre qu’ils ou elles refusent massivement ». Dans l’académie d’Orléans-Tours, où l’ARS a refusé de missionner des infirmières non inscrites à l’Ordre, la rectrice a adressé en plein confinement, « un courrier d’injonction de s’inscrire à l’ONI », s’étrangle Saphia Guereschi, secrétaire générale du Snics-FSU.
Plus de dix ans après sa création, à peine la moitié des professionnels infirmiers ont sacrifié à leur obligation légale d’inscription à l’ONI, qui revendiquait 328 786 inscrits au tableau, en 2019: « Si on empêchait les collègues hospitalières non inscrites de travailler, on fermerait les établissements ! », grince Brigitte Accard, secrétaire générale du Snies-Unsa éducation(5).
A l’ONI, « on ne peut que déplorer » ces couacs et rappeler que de tels blocages devraient bientôt être levés par l’application du décret de 2018 instaurant l’inscription automatique des infirmières salariées via la transmission des informations administratives par les employeurs. Pour les infirmières hospitalières, les travaux sont avancés, indique l’ONI : le traitement informatique « prendra quelques mois », mais il est en cours.
A l’EN, le ministère a envoyé le 23 janvier une note aux recteurs, recommandant d’informer les professionnels infirmiers des obligations réglementaires, mais demandant de ne procéder à aucune transmission de listes nominatives à l’Ordre, le temps d’expertiser la confidentialité des données. L’ONI, qui parle d’un accueil « a priori favorable » du cabinet Blanquer, a bon espoir que les échanges suspendus par la crise du Covid-19 reprennent vite.
Murielle Chalot
1- Dont 11519 IDE, 682 Iade, 562 puéricultrices et 386 Ibode, selon les chiffres communiqués par Santé publique France, l’agence nationale qui anime la Réserve sanitaire.
2 Des missions aussi variées que le renfort de services de réanimation débordés, d’autres services (radiologie, obstétrique…) impactés par le Covid-19, de plateformes téléphoniques ou bien en appui de la régulation du Samu, du personnel des Ehpad ou encore auprès des équipes des agences régionales de santé (renfort épidémiologique, logistique, administratif…).
3- Le Syndicat national des infirmières conseillères en santé de la Fédération syndicale unitaire est le premier syndicat représentatif de la profession.
4- Hors Réserve sanitaire, les professionnels de santé ont pu se porter volontaire dans des cadres variés en fonction des contextes locaux et des dispositifs mis en place, sur la base du bénévolat ou moyennant rémunération.
5- Le Syndicat national des infirmiers éducateurs en santé de l’Union nationale des syndicats autonomes est un syndicat représentatif de la profession.