© Schvartz
La Journée internationale des infirmières revêt une dimension particulière en 2020. Les soignantes ont été, sont encore, en première ligne pour lutter contre le Covid-19. Nous leur avons demandé de formuler à la lumière de cette expérience leurs vœux pour le métier. Reconnaissance, considération, autonomie, valorisation des compétences… font l'unanimité.
Pour marquer cette journée du 12 mai, nous avons proposé aux IDE de répondre à cette question : « À la lumière de la crise sanitaire, quels sont vos vœux pour la profession ? » Ils et elles sont cadres, infirmières et infirmiers de bloc, de santé au travail, de pratique avancée, en réanimation, ou bien exercent en libéral… Ils nous dévoilent, en vers ou en prose, leurs souhaits. Évidemment, les écrits se rejoignent, les attentes sont si anciennes... La reconnaissance sociale et pécuniaire revient tel un leitmotiv. Chacun en parle à sa manière avec ses mots, son expérience et sa passion pour ce beau métier.
Je suis assez inquiète pour l’avenir. Avant la crise, des Idel avaient déjà dans l’idée de changer de voie car fatiguées du libéral. Et avec la crise, au regard de la manière dont nous avons été balancées dans l’arène sans aucun moyen, c’est sûr qu’un grand nombre d’entre elles vont arrêter. De même que d’autres Idel ont mal vécu la crise, et sur un coup de tête, elles risquent aussi d’arrêter leur exercice. C’est triste car ce sont très certainement de bonnes infirmières.
J’aimerais qu’on reconnaisse enfin le rôle que nous avons joué pendant la crise. Nous avons évité de nombreuses hospitalisations, nous avons contribué à éviter la surcharge des urgences en soignant les patients à leur domicile.
De manière générale, il faudrait que notre rôle dans le maintien à domicile soit enfin reconnu par les instances gouvernementales, par notre Ordre qui ne nous défend pas assez. Un simple “merci” de temps en temps ferait du bien.
Tout comme la reconnaissance de ce que nous faisons de manière informelle en termes de prévention, d’éducation ou même concernant nos compétences et nos diplômes que nous ne pouvons jamais mettre en avant. C’est pourtant une plus-value pour les patients.
Gaëlle Fradin, infirmière libérale dans le Rhône (propos recueillis par Laure Martin).
Le combat mené par les soignants, infirmières, aides-soignantes, médecins, agents de service, ambulanciers pompiers, fonctions support, etc., auprès de la population touchée par le coronavirus témoigne de la force et de l'engagement de ces professionnels.
Une mobilisation rapide et forte de l'ensemble des soignants pour faire face à l'ennemi invisible, soigner les malades, apprendre à se protéger, accepter ses émotions tout en les maîtrisant pour ne pas s'effondrer pour rester debout à son poste, résister à la fatigue physique et psychologique dans une situation sans précédent...
Je suis extrêmement fière d'appartenir à cette profession, et si je devais rejouer ma vie, je ferais le même choix professionnel malgré les difficultés, les contraintes, les combats que j'ai menés pour défendre ma profession. Je suis infirmière et j'ai à cœur de le dire haut et fort.
Que souhaiter alors que la crise sanitaire n'est pas encore résolue ? Depuis quelques mois, la section numéro 92 des sciences infirmières a pris place au conseil national des universités (CNU), inscrivant la formation infirmière dans le parcours Licence Master Doctorat. C'est une reconnaissance attendue de notre profession par le législateur et l'université dont les retombées seront dans quelques années. Pour autant, les professionnels infirmiers ont montré dans cette pandémie, ici et maintenant, leur engagement, leur professionnalisme, leur altruisme... La population les remercie tous les soirs à 20 h, les dons alimentaires se succèdent de la part des commerçants, des produits d'innovation et de protection sont proposés par les entreprises...
La solidarité a explosé tel un feu d'artifice ! Je souhaite que le gouvernement, le législateur, ne se contentent pas d'un simple MERCI ou de la prime annoncée qui sera éphémère ; une revalorisation des carrières et des grilles salariales (publique, privé) s'impose rapidement, témoignant de la reconnaissance de l'Etat envers les métiers du soin, peu reconnus, peu valorisés et non entendus dans les alertes lancées ces dernières années.
Je souhaite également que la solidarité et l'engagement mobilisés par les soignants, dont les infirmières, dépassent le cadre de la crise sanitaire et restent la force et la beauté de notre profession. Cette dernière peut et doit encore évoluer et être reconnue à sa juste valeur dans l'espace public, national et international.
Je terminerai mes propos par les vœux de Jacques Brel en 1968 sur la radio Europe 1 (année de la grippe de Hong Kong, pandémie qui a tué plus d'un million de personnes) qui disait : « Je vous souhaite des rêves à n'en plus finir et l'envie furieuse d'en réaliser quelques-uns. »
Alors infirmiers, infirmières, ayez des rêves et ayez la niaque pour les réaliser, laissez-vous porter par votre énergie, votre force d'esprit et votre force intérieure. Merci à tous et toutes.
Chantal Laurens, cadre supérieur de santé, PhD, direction des soins, pôle ressources humaines et soins. A débuté sa carrière comme aide-soignante après le bac en 1979, diplômée infirmière en 1985, cadre de santé en 1997.
Le 11 mai, c’est la journée des espèces protégées et il en est une qui nécessiterait de l’être : celle des infirmiers. Oubliés par les pouvoirs publics, lors de la pandémie du Covid, souvent relégués au rang d’exécutants des prescriptions médicales, il m’apparait comme important de mettre en exergue l’étendue des interventions de ce métier méconnu du grand public car victime des représentations sociales. La crise sanitaire a démontré de l’infirmier une capacité d’adaptation, ses compétences dans la gestion de crise, son leadership, sa place incontournable dans la prévention des complications des pathologies chroniques, son rôle essentiel et primordial dans la coordination des soins de ville.
Il est un maillon essentiel de la chaîne de soins de proximité. L’infirmier est un acteur incontournable de la santé publique, il détient un rôle principal. Dans une France « médico-centrée », dans laquelle le tout-médical est favorisé, l’infirmier possédant un raisonnement clinique et systémique, une considération multidimensionnelle du patient et de son entourage, mérite une revalorisation financière et statutaire.
En termes d’évolution, il est nécessaire de développer et faire connaître la filière clinique, par une réorganisation et une généralisation de son enseignement. Si la reconnaissance passe en France par un diplôme, alors les docteurs en sciences infirmières issus des facultés françaises seraient les bienvenus.
Jacques et Céline Horte, infirmiers libéraux dans les Pyrénées-Orientales (propos recueillis par Laure Martin)
Population et médias ont qualifié soignants et médecins de héros tout au long de cette crise sanitaire parce qu’ils se sont « dévoués » pour maintenir les gens en santé. Pourtant, les infirmiers ne sont pas des surhommes. Ils fatiguent, ils pleurent, ils doutent, ils ont une vie familiale et sociale. Les infirmiers ne se dévouent pas. Ils exercent un métier, pour lequel ils ont fait des études, ont acquis des connaissances et des compétences. Les infirmiers vivent au cœur du système de santé qu’ils connaissent et peuvent apporter des réponses à des problématiques identifiées.
Héroïsme, dévotion… des termes qui nous rappellent le fameux slogan des manifestations de 1988 : « ni nonne, ni bonne, ni conne ».
Alors, mes vœux pour la profession :
Une amélioration des conditions de travail qui se sont considérablement dégradées ces dernières années.
Pour cela, il faut remettre les moyens humains et matériels nécessaires dans les lieux de soins.
Une revalorisation salariale à hauteur de leurs attentes soit 300 euros / mois.
Un rôle central dans les processus de discussion et de prise de décision pour toutes les questions de santé.
Pour cela, la profession doit être unie pour exercer un véritable leadership politique.
Une réingénierie de la formation pour un cursus universitaire cohérent leur permettant d’acquérir un haut niveau scientifique.
Julie Devictor, IPA (mention oncologie), présidente du conseil national des infirmiers en pratique avancée
Vœux que ma spécialité soit reconnue,
Oubliée et méprisée à nouveau demain je serai,
Enterré le costume de héros dont vous m’avez affublée,
Utile et utilisée dans cette crise pourtant j’ai été,
X fois dans la rue ma reconnaissance j'irai réclamer !!!
Aujourd’hui, pour mon hôpital je “vaux” moins qu’une infirmière, je suis Ibode (= un salaire d'IDE - une NBI miraculeusement envolée pour 5 ans d’études)…
Stéphanie Huillet, Ibode
Une meilleure reconnaissance, j’entends par là admettre la légitimité des infirmières.
Une augmentation de nos salaires à hauteur des autres pays de l’OCDE.
Une augmentation du nombre de soignants pour des conditions de travail meilleures.
Reconnaître nos connaissances, nos diplômes.
Une place dans les commissions décisionnaires, pour que la voix infirmière soit entendue.
Ludivine Videloup, IPA (mention néphrologie)