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Le décret annonçant le versement de la prime exceptionnelle, paru le 14 mai 2020 après plusieurs semaines de spéculations, représente un casse-tête pour les établissements de zone II. Ils doivent arbitrer sur les soignants qui auront droit à une majoration. Exemples.
« Bienvenue » pour certains, « insuffisante » ou « hors de propos » pour d’autres, la prime exceptionnelle, annoncée par le président de la République fin mars et dont le décret relatif au versement est paru le 14 mai dernier, ne fait visiblement pas que des heureux parmi les personnels soignants engagés dans la lutte contre le Covid-19. Il faut pourtant y voir, si l’on en croit Jean-Paul Tasso, DRH du GH Sophia Antipolis – Vallée du Var, « un signe positif et une volonté de reconnaissance de l’État ».
Alors vraie ou fausse bonne nouvelle ? Pas si sûr ! C’est notamment l’article 8 du décret, dans lequel le gouvernement donne la possibilité aux chefs d’établissements de la zone II de majorer le montant de la prime de 500 € à 1500 €, qui pose problème. « C’est tout simplement injuste, se rebiffe Thierry Lamouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI). Le principe même de dire que tel soignant mérite 1500 €, et l’autre seulement 500 €, est totalement discriminatoire. Tous les soignants se sont engagés à 100 % sans compter. Cela signifie-t-il que des soignants sont plus méritants que d’autres ? »
Au sein du GH Sophia-Antipolis-Vallée du Var, qui compte parmi les établissements de la zone la moins exposée au virus, la direction a finalement tranché, au terme d’une importante concertation interne avec les organisations syndicales. Résultat, seuls les soignants des services prévus pour accueillir des patients Covid, ceux du support médico-technique (imagerie, laboratoire), les équipes de prélèvement et la médecine du travail, auront droit à 1500 € fin juin.
« L’exercice consistant à distinguer 40 % de l’effectif est pour le moins délicat, confirme le DRH de l’établissement. Il aurait été préférable d’accorder cette majoration à l’ensemble du personnel hospitalier, compte tenu de leur engagement exceptionnel. » Majoration ou pas, Marion Goument, infirmière anesthésiste au CHU de Nantes (44), souhaiterait savoir à quoi s’en tenir : « Au début, on nous avait dit que nous n’aurions pas la prime parce que la vague a été plus petite dans notre région. Maintenant, il est question que tout le monde ait 500 euros. Bref, faute de communication de la direction, c’est le flou total sur le montant de cette prime. » Quelle que soit la décision de la direction, la jeune femme a toutefois peu d’espoir de toucher la somme maximale. « Je ne fais pas partie des professionnels ayant été en contact quotidien avec le Covid. Si j’ai pu prendre des risques avec des patients testés positifs au bloc opératoire, cela ne me choquerait pas de ne pas toucher 1500 € », raisonne-t-elle.
Reste que cette prime exceptionnelle, si elle n’a pas vocation à résoudre des questions structurelles plus profondes, n’a pas manqué de raviver un certain nombre de revendications de la part du personnel hospitalier. Des revendications qui concernent le manque de matériel, des postes supplémentaires, mais aussi, et surtout, une revalorisation salariale. « Nous ne demandons pas la charité, mais d’être payés conformément à notre engagement au quotidien », considère Thierry Lamouroux. De son côté, la direction du GH Sophia Antipolis-Vallée du Var, qui augure encore quelques mois difficiles avec la crise sanitaire, prévoit, outre le versement de la prime, d’offrir un accès plus rapide au statut de la fonction publique pour les contractuels des unités les plus exposées et une accélération de carrière pour les agents particulièrement engagés.
Eléonore de Vaumas