02/07/2020

Covid-19 : le collectif Inter-urgences dépose une plainte contre X

La tempête est peut-être passée mais les dégâts sont ancrés. Et l'origine de la crise remonte aux dysfonctionnements importants dans l'hôpital. C'est ce que veut démontrer le collectif en déposant plainte contre X pour la gestion de la crise de Covid-19. L'ouverture d'une instruction est attendue.

Qui peut douter des difficultés auxquelles ont été confrontés les soignants ces derniers mois ? Ne parlons pas des dernières années. Des années de frustration, des années de mépris, diront beaucoup. Qui pour dire que l'ensemble des professionnels du secteur médical peut se satisfaire de quelques applaudissements aux fenêtres ? En fait, il n'est plus question aujourd’hui de les entendre, ces « héros du quotidien ». « Parler de nous est secondaire. Il s'agit de pointer les dysfonctionnements du système, de mettre des mots sur les défaillances qu'il y a pu avoir », annonce fermement Hugo Huon, infirmier représentant du collectif Inter-urgences.

Le groupe, qui réunit des personnels de santé de plus de 250 services d'urgences d'hôpitaux de France, s'est constitué partie civile dans une plainte, la première, déposée sur la gestion de la crise Covid et les mises en danger relatives à celle-ci. « Certaines directions hospitalières n'ont pas été à la hauteur et nous devons savoir pourquoi, s'insurge le jeune homme. Et nous devons savoir où cette chaîne commence. »

Pourquoi la plainte contre X

La démarche date de mars. « On dépose d'abord une plainte simple auprès du parquet. Il ouvre une enquête préliminaire mais nous pensons que le procureur n'a pas suffisamment de pouvoir, estime Me Arié Alimi, avocat pénaliste en charge du dossier. Compte tenu de l'ampleur, de la sensibilité de l'affaire, il vaut mieux qu'il y ait un juge indépendant, un juge d'instruction, qui ait tous les pouvoirs, qui soit saisi pour mener une investigation. C'est pour cela que l'on dépose, cette fois, une plainte contre X avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction. » (1)

Les quatre infractions sont les mêmes qu'en mars :
- abstention volontaire de prendre les mesures visant à combattre un sinistre ;
- homicide involontaire ;
- violences involontaires ;
- mise en danger délibérée de la vie d’autrui.

Les violences policières avec la défense de la famille de Rémy Fraisse, celle de Cédric Chouviat, les implants mammaires PIP... Arié Alimi est habitué à ce genre de dossier. « Ces affaires politiques et médiatiques qui impliquent un rapport avec l'État, ses représentants, c'est l'une de mes spécialités. »

Une façon de « balayer large »

Mais qui cette plainte vise-t-elle ? « L'avantage d'être contre X, c'est qu'on balaye large, les institutions, les gens qui ont pris des décisions, répond Hugo Huon. On utilise la justice comme outil de militantisme. On ne cherche pas de bouc-émissaire, on espère qu'avec les auditions du juge d'instruction, on évitera que certains dossiers comme celui de la psychiatrie et bien d'autres ne soient enterrés. On veut faire la lumière sur les événements. Le manque de protection à l'hôpital, le rôle de la médecine d'hygiène, celui de la médecine du travail... »

Au-delà du Ségur et de la commission parlementaire qui « ne donnent pas de signaux favorables, minimise le représentant du collectif, on ne peut pas laisser dire que c'est passé, que l'hôpital a tenu. Il y a une colère sourde, un ressentiment fort. On n'a rien à perdre... Et il est urgent de revaloriser l'hôpital ! »

S'il y a eu plusieurs plaintes déposées à la suite de la Covid, ce type de plainte n'est pas fréquent. « Ce n'est pas un moyen de faire pression sur le Gouvernement, insiste l'avocat. Mais si ça peut lui rappeler que cette crise sanitaire est liée à ses choix idéologiques, budgétaires, pourquoi pas ! » Si l'ouverture de l'instruction est la première échéance, éventuellement suivie des premières auditions puis des premières potentielles mises en examen, ce type de dossier 
« prend entre cinq et dix ans », compte le défenseur.

Thomas Laborde

1- La plainte simple permet uniquement d’obtenir la réparation du préjudice tandis que la plainte avec constitution de partie civile permet à la victime d'une infraction de demander l'ouverture d'une enquête dirigée par un juge d'instruction. C'est le juge d'instruction qui décide de lancer ou non l'enquête, après avoir demandé son avis au procureur de la République.


Faut-il poursuivre l’État en justice ?

A lire dans « L'Infirmière magazine », n° 417/418

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