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Étudiante en troisième année, France Boyer-Vidal se destine à une carrière chez les Pompiers de Paris. Après cinq semaines de stage en unité Covid-19, elle se sent bien armée pour l’avenir. Témoignage.
J’avais trouvé par moi-même deux stages : un dans un service de grands brûlés et un chez les Pompiers de Paris. Trouver soi-même un stage représente des mois et des mois de recherche, des contacts répétés auprès des ressources humaines, beaucoup de refus... Le matin où je suis arrivée pour commencer mon stage, la cadre du service m’a dit : «Vous n’aurez pas le service des grands brûlés, on va vous réaffecter dans un service dédié au Covid-19.» C’était une grande tristesse pour moi, les derniers mois de stage, c’est vraiment important pour le CV. C’était un service qui recevait les patients juste avant qu’ils ne partent en réanimation: on faisait l’intubation, la ventilation et la prémédication. Après avoir un peu poussé les murs, il y avait une soixantaine de lits à la place des vingt d’origine. On avait réquisitionné les respirateurs dans les services qui fermaient. Il y avait aussi des lits de soins palliatifs pour les patients pour lesquels l’équipe urgentiste avait malheureusement décidé qu’ils ne pourraient pas aller en réanimation. Il y avait trois, quatre, cinq morts par jour, qui disparaissaient vite pour qu’il y ait de la place pour d’autres patients.
C’était très éprouvant, on ne s’attendait pas du tout à cela, à une masse de travail aussi conséquente et à un tel manque de moyens matériels et humains. Très vite, on a atteint la limite des stocks de protections. On nous dit souvent pendant la formation: «Quand vous arrivez le matin, vous laissez les problèmes au vestiaire. Vous êtes auprès des patients, vous êtes souriante.» Donc on arrive le matin. Malgré la journée de la veille, on a notre petit sourire. Et là, on nous dit: «Pour la journée de douze heures, vous n’avez qu’un masque.» Alors qu’on sait pertinemment qu’un masque chirurgical a une durée de vie entre trois et quatre heures, à condition qu’il ne soit pas humide. Là, on se dit qu’on doit faire la journée entière avec un seul masque. Si on veut respecter les mesures sanitaires, on ne doit pas l’enlever, pas le toucher pendant douze heures, ça veut dire entre autres qu’on n’aura pas de pause repas. J’avais au départ un tuteur désigné, mais il est parti en réanimation. J’étais une étudiante un peu “volante”. Mon planning changeait en fonction des besoins de l’équipe. Je pouvais être aide-soignante ou brancardière. Quand le service a trouvé son rythme, j’ai pu faire plus de soins infirmiers. Normalement, pendant les stages, les premiers actes, on les fait encadré. Voyant que j’étais en 3e année et à deux mois du diplôme, l’équipe m’a dit : «Il y a telle prise de sang à faire, on suppose que tu sais faire, tu vas y aller toi-même.» Heureusement pour moi, je savais faire. Mais j’ai refusé de faire certains soins, comme le gaz du sang. Cela demande beaucoup de dextérité, souvent le patient bouge, je ne me sentais pas de le faire toute seule. Et là, l’équipe m’a dit : «Franchement, c’est n’importe quoi, tu devrais savoir le faire.» Ce n’est pas parce qu’on a fait trois ans d’études qu’on sait tout faire du premier coup. Il y a plein d’infirmières qui continuent à apprendre, même après la prise de poste.
Je ne connaissais rien sur le Covid et j’ai surtout appris sur le terrain. Mais les informations étaient assez fluctuantes, aussi bien en ce qui concernait les symptômes que le mode de transmission, ou comment on devait désinfecter les surfaces. Il y avait des nouvelles règles tous les jours de la part des hygiénistes de l’hôpital, des urgentistes, en fonction de ce que chacun avait lu la veille. Il y avait un flux de connaissances qui se chamaillaient entre elles, dans lesquelles nous, étudiants, on se perdait. À la fin de ce premier stage de cinq semaines, je sais très bien comment fonctionne le Covid-19, j’ai de très bonnes notions en infectiologie, je peux me débrouiller avec toutes les machines qui permettent d’oxygéner le patient, je connais bien les médicaments qui permettent de dilater l’appareil respiratoire... J’ai également appris la solidarité, entre étudiants, mais aussi avec l’équipe soignante. Ils se soutenaient et nous ont emportés avec le reste. Un jour, ils nous ont dit : «C’est dimanche, on fait un gros repas pour fêter ça. On partage tout, on se dit tout ce qu’on a sur le cœur.» J’ai pu exprimer ma déception après leurs remarques quand j’avais refusé de faire certains soins seule. Du coup, les soignants se sont excusés. Le lendemain, les mauvais souvenirs étaient oubliés et nous sommes repartis sur de bonnes bases. Ce sont des moments qu’on partage rarement.
Marie-Capucine DissArticle extrait du dossier « Face au Covid-19. Les étudiants sur le front » paru dans L’Infirmière magazine n°417/418https://www.espaceinfirmier.fr/presse/l-infirmiere-magazine/article/n-417_418/les-etudiants-sur-le-front-IM41701801.html