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Dans le cadre du dépôt de plainte simple auprès du parquet en mars, puis de celle contre X avec constitution de partie civile au début de l'été, des représentants du collectif Inter-urgences et leur avocat, Maître Alimi, ont été auditionnés par l'Office centrale de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique.
Maître Alimi, avocat du Collectif Inter-urgences et de la CGT, l'avait annoncé début juillet : « Un dossier comme ça, ça peut prendre entre cinq et dix ans. » En attendant, l'enquête se précise. Les déposants ont été auditionnés, vendredi 9 octobre, par des services spécifiques de la gendarmerie, désignés par le parquet pour enquêter, l'Office centrale de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique. « Ça a duré presque toute la journée, introduit le défenseur du collectif. Ils nous ont posé beaucoup de questions, sont très demandeurs de documentations. En tant que partie civile, nous fournissons documentations administratives, témoignages de soignants contaminés, remontées sur le matériel disponible dans les hôpitaux, au sein des agences régionales de santé. Ce type d'informations qui permettent de déterminer s'il y a eu des fautes et dans quelle situation se sont retrouvés les hôpitaux et les soignants. »
Il s'agit aussi d'estimer le nombre de soignants contaminés, qui seraient plusieurs dizaines de milliers : « On n'a pas encore de fourchette mais ça fera l'objet d'une évaluation précise », annonce l'avocat. Au début de l'été, l'agence Santé publique France annonçait que 30 258 soignants avaient été infectés en milieu hospitalier (dans 1 160 hôpitaux sur 3 000) et 16 300 en EHPAD. À l'époque, l'AP-HP, elle, comptait 5 000 contaminations dans ses couloirs.
Yasmina Kettal, infirmière aux urgences de l'hôpital Delafontaine, à Saint-Denis, en Île-de-France, représentait ce jour le collectif. Parmi tous les témoignages remontés, il y a celui de l'un des tout premiers soignants contaminés, à l'hôpital Tenon, à Paris, qui l'a marquée. « Il a été contaminé dès l'accueil des urgences parce qu'on n'avait pas de masques à l'époque. Il a découvert la positivité de son patient six jours après. On ne faisait pas de tests non plus. Sa fille a été contaminée aussi. Ce qui est terrible, c'est que ça intervient très tôt, le 28 février ! On n'a pas retenu la leçon de ces premières contaminations. C'est assez emblématique de tout ce qui a suivi. » La jeune femme ne veut toutefois pas juger et s'en remet au travail de la justice : « Est-ce qu'on avait les moyens matériels, ça, c'est à l'enquête de le déterminer. »
L'avocat reprend : « De toute façon, à ce stade, c'est trop juste pour estimer quoi que ce soit. Et il est probable qu'on passe rapidement à l'instruction. C'est une enquête qui nécessite beaucoup plus de travail de recherches. Le parquet ne peut pas éternellement garder cette enquête sous sa supervision. »
(Longue) affaire à suivre…
Thomas Laborde
Sur le même thème, retrouvez l’article « Faut-il poursuivre l’État en justice ? », paru dans L’infirmière magazine n° 417, daté de juillet-août 2020.