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Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu public, le 13 octobre, son avis portant sur « l’hôpital au service du droit à la santé ». Une réflexion présentée dans un contexte de crise sanitaire, mais déjà amorcée avant le Covid-19, au sein de laquelle une montée en compétence et un rôle plus prégnant des infirmières sont encouragés. Alain Dru, co-rapporteur de l’avis, nous éclaire sur la réflexion du Cese.
Alain Dru: Notre logique a été construite à plusieurs niveaux. Tout d’abord, d’un point de vue démographique car le déficit de médecins ou du moins, la mauvaise répartition des praticiens sur le territoire, va continuer à s’accentuer. Comme il faut dix ans pour former des médecins, nous avons réfléchi aux métiers qui pourraient prendre une place plus importante dans le système de santé, en envisageant une évolution du statut pour ainsi palier le manque de praticiens. Nous avons pensé aux infirmières car en trois ans, voire en cinq ans pour les infirmières en pratique avancée (IPA), elles peuvent être formées et opérationnelles sur le terrain, soit en moitié moins de temps que les médecins. Il y a aussi tout intérêt à envisager le soin infirmier sous un autre jour que celui d’aujourd’hui, notamment en offrant des perspectives de carrière plus intéressantes afin que les infirmières aient de nouveau l’envie d’exercer à l’hôpital. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes favorables à la mise en place d’une Validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les IDE qui souhaitent devenir IPA. Car actuellement, pour qu’une infirmière salariée suive le master en pratiques avancées, l’hôpital doit se priver de sa présence au sein d’un service pendant deux ans, une démarche difficile en cette période de déficit de personnel. La VAE permettrait d’éviter des blocages.
Nos travaux nous ont permis de constater que la jeune génération de soignants est demandeuse d’un exercice partagé au sein des Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou des centres de santé. L’un des moyens de développer la prise en charge sur le terrain est d’offrir cette perspective de travail en collaboration avec d’autres professionnels de santé. Nous savons par ailleurs que le nombre de personnes âgées va augmenter dans les années à venir, avec une hausse des soins à domicile ou en Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Les gériatres nous ont affirmé que les infirmières sont la force de frappe sur laquelle il faut miser. Il faut donc insister sur cette perspective d’exercice pluriprofessionnel pour encourager à l’installation en ville.
En effet. Cela nous paraît d’autant plus emblématique que numériquement, il s’agit de la profession soignante la plus nombreuse. De fait, si nous parvenons à tirer vers le haut le corps infirmier au niveau de la formation et des spécialités, cela va permettre de confier certains actes à d’autres professions comme les techniciens de laboratoire ou les aides-soignants. Avec notre avis, nous validons des propositions qui nous paraissent être une évidence car de toute façon, nous allons nous heurter à la réalité de la désertification médicale. Il faut donc nous y préparer maintenant afin de mettre en place des habitudes de travail et éviter des pertes de chance pour les patients, plutôt que d’agir en catastrophe.
Propos recueillis par Laure Martin