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L’association Soins aux professionnels de la santé (SPS) a tenu, le 5 novembre, son 6e colloque national. L’occasion de revenir sur le rôle majeur des soignants pendant la crise sanitaire et sur l’accompagnement à leur offrir.
Au moment de la première vague du Covid-19, une enquête de l’association SPS révélait que la grande majorité des professionnels de santé se sont dit à risque (42 %), anxieux (41 %), en manque de soutien (26 %), épuisés (27 %), impuissants (25 %) ou encore isolés (11 %). Ce sont donc très majoritairement des sentiments négatifs qu’ils ont exprimé quant à leur profession. « Outre l’injonction nationale de sauver des vies, c’est en puisant dans leur souci de l’autre que les soignants se sont mis au service de la population dans ce contexte de crise sanitaire », a expliqué Marie Pezé, docteur en psychologie, psychanalyste, responsable du réseau de consultations Souffrance & Travail, lors de ce colloque. S’en est suivi l’héroïsation des soignants, les applaudissements… « Lorsqu’on fait de vous des héros, comment ensuite parler de ses peurs, de ses angoisses, de ses doutes face aux vagues de patients et à la gravité de leur état », a pointé du doigt la thérapeute.
Une situation d’autant plus paradoxale que quelques semaines avant le début de la crise sanitaire, les soignants manifestaient dans la rue contre le manque de moyens et d’effectifs à l’hôpital, contre leur statut précaire et l’intensification de leur travail. « La pandémie a quand même eu pour effet bénéfique d’entraîner la mise au rebut temporaire du chiffrage constant du soin, permettant aux soignants d’être de nouveau en accord avec leur travail », a soutenu Marie Pezé. Mais très vite, les désillusions ont repris le dessus. « Ils en ont marre d’être associés à l’héroïsme et à la vocation, a-t-elle indiqué. Ce sont de grands professionnels qui ont besoin de reconnaissance et pas uniquement symbolique. »
Wissam El Hage, professeur des universités et praticien hospitalier de psychiatrie à l'université François Rabelais et au CHRU de Tours, spécialisé dans le stress post-traumatique, s’est inquiété, dès le début de la pandémie, pour le personnel soignant. « Au début du premier confinement, nous avons mené une petite enquête et nous avons vu émerger l’inquiétude devant cette grande incertitude que représente la crise », a-t-il fait savoir. Rapidement, des préoccupations plus sévères sont apparues : anxiété, stress intense, fatigue exacerbée. Les soignants évoluent dans « un climat anxiogène avec des déficits d’équipements, la crainte d’être contaminés et de contaminer leurs proches », a-t-il ajouté. Face à ces constats, une nouvelle enquête avec une cohorte nationale de 3 000 professionnels de santé exposés en première ligne au Covid-19 va être menée à partir du 20 novembre. « L’objectif est d’avoir un retour sur leurs symptômes et de leur proposer des recommandations, a expliqué le professeur. Pour ceux qui auront des symptômes significatifs, nous allons leur offrir des soins, notamment une thérapie EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires, NDLR), en libéral. »
Laure Martin