18/11/2020

Nantes : les cadres se rebiffent

Les cadres de santé du syndicat Acteurs santé CFE-CGC au CHU de Nantes appelaient vendredi dernier à une rarissime grève de l’encadrement. Retour sur un mouvement social pas vraiment comme les autres.

Un mouvement social de cadres de santé, cela n’arrive pas tous les jours. C’est pourtant ce qui s’est passé le 13 novembre dernier, au CHU de Nantes : à l’initiative du syndicat Acteurs santé CFE-CGC, l’ensemble du personnel d’encadrement était appelé à se mettre en grève pour crier son désarroi face à la gestion de l’absentéisme dans les services, qui le met souvent en porte-à-faux avec ses valeurs professionnelles.
« Au CHU de Nantes, nous avons 9 500 agents non médicaux, et entre 900 et 1 000 sont absents tous les jours, explique Jacqueline Le Pennec, co-responsable du syndicat dans l’établissement. Et qui se retrouve à devoir trouver des solutions au quotidien pour avoir le bon nombre d’infirmières et d’aides-soignantes, pour rappeler les agents ? Ce sont les cadres. Certaines collègues passent 80 % de leur temps à gérer les plannings, or on n’a pas fait cadre pour faire ça. Nous sommes épuisées car c’est nous qui nous nous retrouvons à mettre en œuvre la politique de l’établissement et à être maltraitantes avec nos équipes. »
Du côté de l’administration, pourtant, on assure que des solutions sont sur la table face au problème de l’absentéisme. Contactée par Espace infirmier, la direction du CHU de Nantes cite « des actions portant sur la qualité de vie au travail (prévention des troubles musculosquelettiques, prévention des risques psychosociaux…) », mais aussi des recrutements. « Plus de 100 emplois ont été créés en 2019 », indique l’établissement, qui avance par ailleurs « un taux de remplacement en moyenne de 66 % avec des remplacements à hauteur de 100 % sur certains postes (infirmière de nuit, par exemple, secteurs normés) ».

Le dialogue social mis en cause

Mais pour les cadres d’Acteurs santé CFE-CGC, ces arguments ne tiennent pas. « Bien sûr qu’ils remplacent les infirmières de nuit, ils n’ont pas le choix, c’est la loi, s’emporte Jacqueline Le Pennec. D’ailleurs, on ne dit pas qu’ils ne font rien, on dit qu’ils ne nous écoutent pas. » Et c’est justement ce manque de dialogue social entre l’encadrement et la direction qui justifie le mouvement social des cadres. « C’est pour retrouver notre place, et pour pouvoir parler d’égal à égal avec la direction, que nous avons créé ce syndicat », poursuit-elle.
Reste à savoir si le mouvement peut porter ses fruits. D’après la direction, le taux de mobilisation n’a été que de 10,3 %. Un chiffre qu’Acteurs santé CFE-CGC conteste, assurant que si on ne compte que les cadres de santé, et non pas l’ensemble du personnel d’encadrement, le taux de mobilisation est de 39 %. Et au-delà de cette querelle de chiffres, Jacqueline Le Pennec estime que le mouvement peut prendre ailleurs. « Nous sommes en contact avec de nombreuses autres cadres dans d’autres établissements qui vivent la même chose que nous », prévient-elle. Cadres de tous les hôpitaux, unissez-vous !

Adrien Renaud

Les dernières réactions

  • 19/11/2020 à 19:46
    Oriane
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    Etant infirmière depuis peu d'années je n'avait jamais eu vent de ce genre de revendication!
    Je suis vraiment au côtés de mes collègues cadres qui ont posés un acte fort car très rare. Leur travail est indispensable pour la bonne prise en charge des patients ainsi que pour le bon fonctionnement des services de soins!
    Position souvent difficile entre les restrictions et les demande des soignants!
    Courage à eux!
  • 19/11/2020 à 21:00
    charchar
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    Bravo pour cet acte fort des cadres de santé de tous secteurs. La direction pourra toujours continuer à faire ses petits trafics de chiffres la réalité est là, les cadres ne sont pas entendus par eux, juste considérés comme des petits soldats qui n'ont pas le droit de dire ce qu'ils pensent. Quel mépris des directions notamment de la direction des SOINS , ah bon c'est un ancien soignant qui est à ce poste, assez incroyable quand on voit et entend le mépris de ces coordonnateurs généraux ou directeurs soit disant des soins. Le terme "soins" ajouté à leur titre n'ai vraiment pas une plus value , même pire cela leur permet de faire croire qu'ils respectent les cadres, non ils les utilisent jusqu'à ce que le burn out arrive. Les cadres ne demandent juste une RECONNAISSANCE de tout leur travail quotidien de facilitateur au sein des équipes pour les problèmes de personnel, technique, biomédical, d'hygiène, de relations au patient, informatiques , de livraisons, de commandes, de pharmacie, des magasins généraux, j'en oublie sans doute !!! oui la liste est si longue. Tout ca la direction le sait mais tant que cela reste ainsi, ils peuvent continuer à passer leur rouleau compresseur de dédain et d'irrespect.
  • 20/11/2020 à 13:20
    Letaff
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    20 ans que je travail dans le public, les cadres se réveillent enfin ?!
    C’est quoi le problème , le gouvernement a décidé de diminué leurs milliers d’euros de prime annuelle de bonne gestion de la compression des lits et du personnel ?!?
    Les cadres sont en grande partie responsables de l’etat de du système hospitalier français exécutants complices et fidèles soldats des différents pouvoirs qui se sont succédés et qui n’ont eu de cesse de détourner l’argent du contribuable des services publiques pour l’injecter dans des structures peu utiles mais plus rentables et profitables aux « élites ».
    Pour que ces collabos commencent à faire preuve de lucidité et d’honnêteté dans leur jugement il faut vraiment que le système soit au bord de s’effondrer !
    tempus narrabo !
  • 20/11/2020 à 15:33
    Petite Sissi
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    Je compatis... et il ne faut rien lâcher, car justement nous ne sommes pas de simples exécutants mais œuvrons pour le bien-être de nos patients mais aussi de nos agents.
    Il y a quelques années, aux HSM de St Maurice, les cadres ont fait une gréve pendant 1 an et ça a "payé"!!
  • 22/11/2020 à 11:25
    Un cadre
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    Sans compter le nombres d'heures passées à nos postes.
    Avec le forfait cadre, les directions sont gagnantes. Si je proratise mon salaire aux nombres d'heures passées au boulot, je suis moins bien payé qu'un Smicard.
  • 22/11/2020 à 23:24
    dal
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    @Letaff

    Bonsoir,

    Même si on sent beaucoup d'émotions chez vous, et même si je n'utiliserais pas vos mots, je peux comprendre votre réaction. En effet, l'encadrement a une lourde responsabilité dans la situation que traverse aujourd'hui (du cadre formateur en IFSI qui ferme les yeux sur la maltraitance qui débute déjà en IFSI, le comportement de certains cadres formateurs me débecte, en passant par l'encadrement dans les lieux de soins)

    L'encadrement à l'hôpital est un des pires, tout secteur confondu, tellement malsain qu'on devrait faire une vidéo sur les méthodes managériales à l'hôpital, les présenter aux différentes écoles de gestion/de RH/de coaching......sur ce qu'il NE FAUT PAS FAIRE ! Ce serait très instructif pour les élèves, étudiants et futurs manageurs. (La lecture d'Omerta à l'hôpital donnera au lecteur la qualité du dialogue social et de la manière dont on traite les futurs soignants, ca donne envie d'y travailler).

    D'ailleurs, je déconseillerai à certains cadres d'exercer dans d'autres secteurs d'activités s'ils se comportent comme ils le font à l'hôpital, sous peine d'avoir de très gros problèmes (avec la justice, syndicats, inspection du travail, plainte pénale et j'en passe) car dans d'autres secteurs d'activités, ce n'est pas le même délire. On n'accepte pas le 1/10e de ce que peuvent subir les soignants.

    Il existe par exemple pour les IDE une association de défense des Etudiants Infirmiers, purée !!! (je pense à l'ADDESI).....à ma connaissance, il n'existe pas d'associations pour défendre les élèves coiffeurs ou pâtissiers ! De la folie.

    Non, vraiment, il y a un gros chantier à prévoir pour notre système de santé car la situation est catastrophique. Je ne parle même pas de la gestion de la pandémie COVID-19 par notre gouvernement et ses conséquences sur les soignants & patients.

    Que certains cadres décident de faire grève est louable. J'espère que leur action permettra de remettre en cause la TSA, l'organisation du système de santé en France, notamment hospitalière (expliquez-moi pourquoi il y a à la fois des cadres de santé sup, des DSI, des DRH/RH, des responsables qualités, ne faut-il la revoir, supprimer les doublons et ainsi, recruter davantage d'aides-soignants/IDE etc.)

    Merci en tout cas pour ces cadres qui ont décidé de dire stop ! C'est un acte courageux.

  • 26/11/2020 à 18:32
    oisodesiles
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    Merci et félicitations à vous qui enfin vous rebellez officiellement!

    Moi "on me voit bien dans le rôle" depuis ...Et cela fait 10 ans que je dit "non" à cause de ce qui est invoqué dans l'article, je ne suis pas prête à appliquer "bêtement" les ordres. Oui je dis bêtement car une collègue cadre m'a raconté il y a peu comment elle était gênée de dire au soignant de ne pas porter le masque au début de l'épidémie de COVID (parce que l'on en avait pas) alors qu'elle savait très bien que c'était indispensable ! Moi je n'aurais pas pu, et je lui ai dit.

    Lors de mon dernier entretien avec le DRH : "vous savez, ici vous pouvez tout me dire, mais j'exige que vous appliquiez les consignes institutionnelles dès que vous sortez de mon bureau"
    Et puis quoi encore, je suis soignante, pas aux ordres d'une direction qui n'a de cesse de broyer les gens.
    J'ai répondu à un cadre sup qui me proposait encore une fois de faire cadre "vous me voyais moi le cul entre 2 chaises", pour moi le cadre est entre le marteau (de la direction) et l'enclume (des soignants au lit du patient).

    nous devrions effectivement avoir un peu moins de directeurs et bien plus de soignants. vous avez vu, les hôpitaux allemands tournent bien mieux que nous et ils ont 3x moins d'encadrement! CQFD

    Quant aux IFSI, effectivement, ils préparent bien au métier d'infirmier, ils nous apprennent bien à courber l'échine, à plier sans jamais parler. Moi j'ai parlé, j'ai été "sacquée" à mon examen.
    Mais je l'ai eu mon diplôme.

    Bon courage aux cadres et n'ayez pas peur, je suis sûre que les soignants seront derrière vous si vous savez redresser la tête.

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