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Très nombreux à se mobiliser lors du premier confinement lié à la crise du Covid-19, les étudiants infirmiers sont de nouveau prêts à combler les besoins en personnel dans les structures sanitaires et médicosociales. Mais pas à n’importe quel prix, ni au détriment de leur formation. Illustration à Nantes.
81 000, c’est le nombre d’étudiants en soins infirmiers (ESI) et en pratique avancée (EIPA) qui sont venus, en France, gonfler les rangs des personnels des établissements sanitaires et médicosociaux durant la première vague, soit 85,2 % des effectifs ! Une mobilisation record qui a également été observée à Nantes, où 3 000 apprentis infirmiers se sont portés volontaires. Et ce, tout en poursuivant leur formation en parallèle. « Nous sommes sortis épuisés de cette expérience, retrace Cécile Hairault, en 2e année de l’école IADE de Nantes. Il y a, bien sûr, les conditions dans lesquelles nous avons dû travailler, qui étaient déjà suffisamment pénibles, mais le pire, c’est qu’au lieu de récupérer cet été, nous avons dû rattraper nos cours et préparer nos évaluations qui avaient été décalées à la fin des vacances. » De leur côté, les étudiants en 1re année de l’IFSI nantais, également mobilisés pendant la première vague, n’ont pas pu effectuer leur stage de dix semaines comme prévu au printemps. Alors quand la nouvelle de la seconde mobilisation est arrivée, il y a un mois, certains ont fait grise mine : « La nouvelle a été difficile à gérer, reconnaît Rodolphe, représentant des ESI de 2e année à l’IFSI de Nantes. Ce qu’on craint le plus, c’est de devoir encore faire une croix sur notre stage qui aurait dû commencer maintenant. »
Si ce scénario devait se confirmer, ce seraient ainsi vingt semaines de stage cumulées en moins depuis le mois de mars. Pour compenser, l’Agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire et le CHU de Nantes ont envisagé un temps de faire passer ces semaines de renfort en stage, en rendant cette mobilisation validante. Une possibilité laissée de côté par le gouvernement, via un vade-mecum paru le 23 octobre dernier, et qui a finalement été écartée au profit d’un réaménagement de la formation. « Parmi les pistes actuellement à l’étude, nous avons proposé de rallonger certains stages du S4 ou encore de déplacer des semaines de stage sur des semaines d’apport théorique, complète le représentant des ESI de 2e année. Dans les deux cas, cela nous permettrait de participer à l’effort collectif, tout en étant rassurés sur la suite de notre formation. » Se pose toutefois la question du statut. Si, à Nantes, l’ARS et le CHU ont tranché en offrant aux étudiants volontaires un CDD de remplacement d’aide-soignant, d’une durée de cinq semaines renouvelables, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) observe déjà des dérives dans d’autres régions. « Nous avons des retours d’étudiants de 2e et 3e années faisant actuellement fonction de remplaçant d’IDE en service, alors que c’est interdit, s’insurge Thomas Hostettler, secrétaire général en charge des relations presse. Faute de cadre législatif ferme, chaque ARS est libre de faire à sa sauce. On voit ainsi des étudiants qui ne sont ni encadrés, ni formés, qui font face à des situations extrêmement compliquées. Et tout cela, sans qu’aucun suivi psychologique ne leur soit proposé ! »
Au-delà des stages, les inquiétudes se portent également sur la formation. Faut-il suspendre ou non les cours le temps que la seconde vague passe ? Une décision que vient de prendre l’ARS Paca qui, par un arrêté publié le 17 novembre, suspend la formation des ESI en deuxième année jusqu’au 13 décembre. Dans le cas d’une interruption, comment réaménager la maquette pour limiter au maximum les décrochages, tout en garantissant aux étudiants des enseignements de qualité ? « Ça me paraît compliqué d’espérer tout récupérer. Il va bien falloir qu’on allège certains apports théoriques, sinon on va tous être submergés quand les cours reprendront normalement », estime Cécile Hayrault, très critique sur le manque d’anticipation des autorités locales. Un avis partagé par Rodolphe qui, lui, voit déjà plus loin : « Tout ceci laisse penser qu’en cas de troisième vague, on serait encore pris au dépourvu. Il va falloir au contraire qu’on prenne plus soin des étudiants si on veut qu’ils arrivent un jour sur le marché du travail. »
Éléonore de Vaumas