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En une semaine, la mission d’information de l’Assemblée nationale et la commission d’enquête du Sénat, consacrées à l’évaluation de la gestion de la crise sanitaire, ont rendu leur rapport. Et leurs conclusions sont relativement identiques : la France n’était pas préparée à une crise sanitaire d’ampleur et les réponses n’ont pas été toujours pertinentes.
Ce sont les députés qui ont ouvert le bal avec une conférence de presse d’Éric Ciotti (LR), le rapporteur de la mission d’information, le 3 décembre. Le rapport n’est pas tendre envers le gouvernement : désarmement de l’État face à l’émergence d’une telle crise sanitaire ; organisation nationale et territoriale de la gestion de la crise, et notamment de son pilotage, qui n’ont pas fonctionné aussi efficacement que souhaité en raison, notamment, de lourdeurs bureaucratiques et administratives ; système de soins démuni et réponse marquée par un important hospitalo-centrisme. Mais le rapport mis en ligne le 8 décembre diffère de celui qui a fuité dans la presse. Une centaine de pages ont été ajoutées, notamment une introduction du président de la mission d’information, Julien Borowczyk (LREM) qui nuance les critiques de la version initiale. Les difficultés d’approvisionnement en équipements de protection individuels (EPI) sont relativisées comme la « sous-estimation » par le gouvernement du risque de deuxième vague épidémique.
Dans le rapport adopté le 10 décembre, les sénateurs dressent un bilan accablant : « Dans la réponse à la crise, les rapporteurs font le triple constat d’un défaut de préparation, d’un défaut de stratégie ou plutôt de constance dans la stratégie, et d’un défaut de communication adaptée. » Pour la commission d’enquête, « la pénurie de masques restera le triste symbole de l’état d’impréparation du pays et du manque d’anticipation des autorités sanitaires face à la crise ». Elle vise Jérôme Salomon, Directeur général de la santé, qui savait pertinemment que les stocks d’État avaient fondu depuis 2013. Les sénateurs n’hésitent d’ailleurs pas à dire que la pénurie a été « sciemment dissimulée ». La commission insiste aussi sur la gestion de crise hospitalo-centrée qui a mis de côté le secteur ambulatoire, et « le délaissement » du secteur médico-social. Elle met aussi en cause la stratégie « tester-tracer-isoler » dont le traçage a été « trop restrictif » et l’isolement « réduit à l’invocation ». Enfin, la gouvernance est pointée du doigt : pilotage trop centralisé et aveugle aux spécificités territoriales ; coordination interministérielle tardive et insuffisamment fluide en région ; cantonnement de Santé publique France à un rôle d’exécutant ; gestion par les agences régionales de santé (ARS) trop éloignée du terrain.
Afin d’améliorer les réponses aux prochaines crises, députés et sénateurs émettent plusieurs propositions dont certaines se rejoignent. La mission et la commission prônent ainsi l’élaboration d’un Plan Pandémie, pas uniquement grippale, et de définir et sécuriser des stocks stratégiques de produits et d’équipements. Les parlementaires souhaitent aussi la création d’une fonction, soit d’un ministre délégué (députés), soit d’un délégué interministériel (sénateurs), chargé de répondre aux crises sanitaires.
Ils préconisent aussi de mieux prendre en compte l’échelon départemental dans la gestion des crises sanitaires : Éric Ciotti veut créer des agences départementales de santé à la place des agences régionales de santé et les sénateurs proposent de renforcer les délégations départementales des ARS. Les deux chambres recommandent également une meilleure prise en charge des personnes âgées et vulnérables, les députés demandent de revoir « en profondeur » le modèle des Ehpad et les sénateurs souhaitent améliorer les outils de prise en charge médicale dans ces établissements et à domicile.
Enfin, les députés préconisent de renforcer les liens entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, et de développer des plans de crise qui prévoient l’intégration des soins primaires à la réponse sanitaire. Quant aux sénateurs, ils prônent d’impliquer les associations de patients et les instances de démocratie sanitaire dans la gestion des crises.