19/01/2021

Payer les soignants au forfait :
les expériences se multiplient

L’article 51 de la Loi de financement
de la Sécurité sociale (FLSS) pour 2018
autorise les soignants à monter des expérimentations dérogeant aux règles habituelles de tarification. Dans
une majorité des cas, il est utilisé pour instaurer des rémunérations au forfait.

Un acte de soin, un tarif, un paiement : le paiement à l’acte est en théorie la manière la plus simple de rémunérer les soignants et structures de soins. Mais la réalité est parfois plus complexe, et une même prise en charge peut faire intervenir tant de professions, de structures, de statuts, que d’autres types de rémunération peuvent s’avérer plus pertinents. C’est pourquoi l’article 51 de la LFSS 2018 autorisait, dans le cadre de projets expérimentaux, les soignants à tenter de trouver des alternatives. Et d’après un bilan dressé jeudi dernier par la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) et le ministère de la Santé lors d’un point presse en ligne, c’est le paiement au forfait qui a été plébiscité.

Petit rappel : l’article 51 est un dispositif sur lequel les autorités sanitaires comptent beaucoup dans leur entreprise de modernisation du système de santé. « En permettant de déroger aux règles parfois contraignantes de tarification, de facturation ou d’organisation pour les acteurs de santé ou de remboursements de soins pour les patients, et en instaurant un fond dédié pour financer ces expérimentations, l’article 51 offre un cadre inédit permettant d’expérimenter de nouvelles organisations de prise en charge des patients », indiquent la Cnam et le ministère de la Santé dans un dossier accompagnant leur point presse. D’après ces deux institutions, l’article 51 est désormais « pleinement opérationnel »  : 71 projets ont pour l’instant été approuvés, contre 40 fin 2019, et ils couvrent désormais « la quasi-totalité des régions françaises ».

Le forfait, roi du 51

« Les dispositifs financent souvent des parcours, et le mode de financement est donc souvent forfaitaire », expliquait lors du point presse Ayden Tajahmady, le référent « article 51 » à la Cnam. De fait, 70 % des projets ont opté pour un financement à la séquence ou à l’épisode de soins. Parmi les projets bénéficiant du dispositif, on note ainsi la présence de l’expérimentation « Équilibres » (pour « ÉQUipes d’Infirmières LIBres, REsponsables et Solidaires »), dont l’objet est défini en des termes peu équivoques : « mettre en place une forfaitisation au temps passé auprès des patients pour les soins infirmiers à domicile », et ce afin de « promouvoir un système de prise en charge en équipe, focalisé sur les patients, leur autonomisation et leur qualité de vie, plutôt que la production d’actes techniques ».

Autre exemple : le centre Léon Bérard de Lyon, qui expérimente dans le cadre de l’article 51 un projet d’immunothérapie à domicile : un forfait global permet une prise en charge impliquant non seulement ce centre de lutte contre le cancer (CLCC), mais aussi des dizaines de médecins traitants et d’Idels… Le forfait choisi est découpé en trois tranches : une première phase d’hospitalisation ambulatoire où le suivi est initié, une phase d’hospitalisation à domicile, et enfin un suivi allégé à domicile prévoyant jusqu’à 18 visites d’administration du traitement par l’infirmière. Les forfaits pour chacune des trois phases sont respectivement de 6 800, 2 300 et 3 800 euros. C’est le centre Léon Bérard qui collecte l’argent et le répartit entre les différents intervenants. « L’intérêt, c’est de favoriser la collaboration entre les professionnels de l’hôpital et de la ville », notait Anne Miermont, secrétaire générale du centre Léon Bérard, lors du point presse organisé par le ministère et la Cnam.

Reste à savoir si ces expérimentations sont appelées à faire entrer le forfait dans le droit commun, et si celui-ci est à terme voué à remplacer le paiement à l’acte. Pour le savoir, il faudra attendre les résultats de l’évaluation indépendante de chaque projet, expressément prévue dans la LFSS 2018. Pour la réaliser, un appel d’offre a permis de sélectionner neuf évaluateurs (cabinets spécialisés, acteurs académiques…), qui n’auront pas la tâche facile : comme l’a fait remarquer lors du point presse Frédéric Bousquet, chargé de l’évaluation à la Cnam, avec l’article 51, « on n’évalue pas de l’innovation thérapeutique ou technique, mais de l’innovation organisationnelle », bien moins facile à objectiver. Si on ne peut pas encore connaître les résultats des évaluateurs, on peut d’ores et déjà prévoir que leur interprétation suscitera de belles discussions.

Adrien Renaud

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