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Alors que la ministre de la Cohésion des territoires a annoncé fin décembre la territorialisation de la médecine scolaire, les professionnels de terrain s’inquiètent d’une dégradation de leur situation, déjà problématique dans certains rectorats, comme dans celui d’Aix-Marseille.
« Depuis maintenant trois ans, il n’y a pas eu de création de postes alors qu’il y a des établissements qui continuent d’ouvrir. Cela paraît totalement illogique. On peut supposer que c’est la volonté du gouvernement de supprimer des fonctionnaires », exprime Hélène Lauzière, infirmière de l’Éducation nationale et secrétaire académique du syndicat Snics-FSU Aix-Marseille.
Dans certaines écoles, des élèves n’ont ainsi aucune présence infirmière pour assurer des consultations individuelles, gratuites et sans rendez-vous. De plus, le remplacement des professionnelles absentes s’avère extrêmement difficile en raison notamment des conditions d’embauche. « Le salaire de remplacement fluctue d’une académie à l’autre. À Aix-Marseille, la rémunération des remplaçantes est fixée au Smic horaire, sans de prime de précarité... Est-ce bien légal ? On le dénonce », poursuit Hélène Lauzière.
Nous avons pu contacter des infirmières de l’Éducation nationale de l’Académie d’Aix-Marseille, rayonnant parfois plus de quinze établissements scolaires (écoles, collèges, lycées). Aucune ne souhaite s’exprimer publiquement mais certaines sont en burn out ou cumulent les arrêts de travail. Et la crise sanitaire vient renforcer la fatigue du corps infirmier déjà bien sollicité avant celle-ci.
Côté établissement, « nous avons des consignes de notre hiérarchie de ne pas communiquer sur ce sujet », indique la principale adjointe d’un lycée marseillais dont l’infirmière n’est pas remplacée depuis un an.
« Pour les élèves, c’est une perte de chance de réussite et d’accès aux soins. C’est aussi une perte d’écoute notamment dans le domaine de la protection de l’enfance et cela impacte le suivi des petits maux du quotidien, la contraception d’urgence ou encore la prévention sexuelle », déplore Hélène Lauzière. À Marseille, l’association d’élèves Conscience, composée de quelques lycéens du lycée Brochier où l’infirmière est en arrêt et non remplacée, plaide pour le retour de sa soignante. « Nous avons fait grève contre le protocole sanitaire mais aussi pour le remplacement de notre infirmière. C’est dramatique. Si le ministère n’écoute pas les infirmières, il écoutera peut-être les élèves », espère Amine Kessaci, son porte-parole.
La situation est d’autant plus tendue que mi-décembre, la ministre en charge de la cohésion territoriale Jacqueline Gourault a annoncé la volonté du gouvernement de décentraliser la santé scolaire vers les collectivités territoriales. Une option qui inquiète fortement les infirmières et médecins de l’Éducation nationale. « Actuellement, l’infirmière participe à la réussite des élèves sur les facteurs de santé parce qu’elle est au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Elle est autonome dans ses actes professionnels et peut prendre des décisions d’orientation, de suivi des élèves. C’est une spécificité d’exercice pour laquelle on demande une reconnaissance. S’il y a décentralisation, cette latitude va changer et on sait que les 7 000 infirmières de l’Éducation nationale ne seront pas reprises par les collectivités territoriales. On n’est pas dupes. », conclut Hélène Lauzière.
Sandrine Lana