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Une association fondée à l’initiative d’un couple d’infirmiers mayennais vient de poser une alternative simple au gouvernement : soit l’État agit pour mettre fin aux déserts médicaux, soit il sera attaqué en justice.
Maxime Lebigot, infirmier et responsable syndical au centre hospitalier de Laval, en Mayenne, l’avait annoncé dans nos colonnes au mois d’octobre : l’Association des citoyens contre les déserts médicaux (ACCDM), qu’il préside, allait lancer une procédure pour forcer l’État à agir sur la question de l’accès aux soins. C’est maintenant chose faite. Par l’intermédiaire de son avocate, l’ancienne ministre Corinne Lepage, l’ACCDM vient en effet d’écrire au Premier ministre Jean Castex afin de lui demander de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour mettre fin aux déserts médicaux. Faute de quoi, l’association se tournera vers les tribunaux.
« Nous demandons dans ce courrier à Olivier Véran et Jean Castex de mettre en place les mesures permettant d’assurer l’équité dans l’accès aux soins, détaille l’avocate, interrogée par Espace infimier. Ils vont répondre non, ou ne pas répondre, bien sûr. Mais si nous n’avons pas de réponse dans deux mois, cela nous habilitera à saisir le juge administratif. »
D’après le courrier de Corinne Lepage, les arguments juridiques qui soutiennent sa démarche sont les plus hauts qu’un juriste puisse imaginer : ils sont d’ordre constitutionnel. Les disparités actuelles dans la répartition de l’offre médicale entreraient en effet, d’après elle, en contradiction avec deux principes garantis par le texte fondateur de la Ve République : celui d’égalité d’une part, et celui du droit à la santé d’autre part.
« C’est exactement la même démarche que pour Grande-Synthe », décrypte l’avocate. En novembre dernier, dans le cadre d’une procédure où l’ancienne ministre défendait la cité nordiste, le Conseil d’État avait donné trois mois au gouvernement pour prouver qu’il prenait des mesures susceptibles de permettre à la France de tenir ses engagements climatiques.
Espérant une issue similaire, Corinne Lepage et l’ACCDM saisiront donc le Conseil d’État, afin de demander « le prononcé d’une injonction de faire », avertit le courrier. En clair : les plaignants espèrent que la plus haute juridiction administrative forcera le gouvernement à sortir de l’inaction. La missive ne détaille pas précisément les mesures que l’association souhaite voir mettre en place, mais elle suggère au gouvernement de s’inspirer du rapport sénatorial remis en janvier 2020 par Hervé Maurey et Jean-François Longeot. Celui-ci préconisait « notamment une régulation des installations dans les zones sur-denses pour permettre les installations dans des territoires sous-équipés », souligne Corinne Lepage.
Cette dernière prédit par ailleurs que les procédures où les citoyens mettent en demeure l’État d’obtenir des résultats concrets risquent à l’avenir de se multiplier, qu’il s’agisse de réchauffement climatique, de déserts médicaux ou d’autres sujets. « On ne peut plus admettre que dans un monde où la confiance est au cœur du débat démocratique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient », estime-t-elle.