© leolintang/iStock
Les minorités sexuelles LGBT+ subissent continuellement discriminations et violences engendrant des effets délétères sur leur santé globale, comme le confirme un numéro spécial du BEH paru ce lundi*. Les soignants sont-ils assez formés et informés sur les problématiques spécifiques à cette population ? Le point avec Joël Deumier, ex-président de SOS Homophobie.
Retrouvez le dossier « Un silence trop pesant » paru dans L’infirmière magazine n°395 du 01/07/2018.
Joël Deumier : Les LGBTI-phobies sont présentes dans tous les secteurs professionnels. Travailler sans cacher son orientation sexuelle ou son identité de genre à ses collègues de travail est un vrai enjeu, et les LGBTI-phobies dans le milieu professionnel persistent selon notre dernier rapport. Dans la santé, les LGBTI-phobies se manifestent dans les relations entre professionnels de santé (insultes, discrimination, dénigrement, rejet, etc.), mais aussi entre patient et professionnel de santé. Les décideurs et les personnes qui occupent des responsabilités dans le domaine de la santé sont majoritairement des hommes. L’ancrage d’une culture patriarcale et hétéro-centrée est une des causes de la persistance des manifestations de LGBTI-phobies mais aussi de sexisme. La spécificité des LGBTI-phobies vécues par un patient dans sa relation avec un professionnel de santé est que les préjugés et les stéréotypes sur l’homosexualité peuvent avoir des conséquences graves. Par exemple, un gynécologue qui considère qu’une femme lesbienne n’a pas à être auscultée parce que la sexualité entre femmes ne l’exige pas, est une réaction courante. La méconnaissance et le manque de formation des soignants aux problématiques de santé des personnes LGBTI peut être à l’origine de pathologies non détectées ou non prises en charge. Aussi, la persistance des LGBTI-phobies fait que les personnes LGBTI cachent leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aux professionnels de santé. Ce qui contribue à une moins bonne prise en charge de ces patients par la médecine française.
Dans la santé comme dans d’autres domaines, les victimes de LGBTI-phobie relativisent les violences dont elles sont l’objet. Ainsi, elles portent peu plainte ou n’osent pas franchir le cap d’en parler à leur entourage. La santé des personnes relève de la vie privée et il ne faut pas sous-estimer le fait qu’il est encore extrêmement difficile de parler librement des discriminations LGBTI-phobes.
Nous préconisons une meilleure formation initiale et continue des professionnels de santé aux spécificités des personnes LGBTI. Le manque d’information est à l’origine de nombreux phénomènes d’homophobie et de transphobie. On craint et on fuit ce que l’on ne connaît pas. Par conséquent, tout se passe au stade de la formation. Par ailleurs, initier une campagne de sensibilisation grand public pour parler des effets de l’homophobie dans la santé permettrait aux victimes de mieux identifier les violences dont elles peuvent être l’objet, tout en informant les professionnels des risques de discrimination dont ils peuvent être à l’origine. Enfin, les ordres et organisations professionnels de chaque métier de la santé devraient diffuser des bonnes pratiques (Comment s’adresser à une personne trans ? Comment aborder un patient sans être dans le jugement ? Comment avoir une approche la plus inclusive possible ?).
Propos recueillis par Aurélie Vion
* Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 17 mai 2021, n°6-7 paru à l’occasion de la journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie.
- En 2019, 35 % des LGBT ont déclaré avoir fait l’expérience d’au moins une forme de discrimination au cours de leur vie en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre, révèle un état des lieux publié par Santé publique France (BEH du 17 mai 2021, n° 6-7).
- Les lesbiennes, les gays et les bisexuels sont 2 à 3 fois plus exposés à des violences psychologiques, verbales et physiques ou sexuelles que les personnes hétérosexuelles, les personnes trans étant les plus touchées.
- Les discriminations et violences subies ont des répercussions délétères et durables sur la santé mentale et physique des personnes. On dénote par exemple un risque accru d’épisodes dépressifs caractérisés (EDC) – 2 fois plus présents chez les bisexuels ou lesbiennes que chez les hétérosexuels – et de comportements suicidaires, des phénomènes de renoncement aux soins, notamment en raison du comportement de soignant.
- 40 à 49 % des minorités sexuelles déclarent n’avoir jamais parlé de leur orientation sexuelle avec leur médecin traitant et dans 80 % des cas, le médecin ne les interroge pas sur le sujet, alors même que cette information permettrait une meilleure prise en charge.
- Rappelons que la santé sexuelle est un déterminant de la santé globale. Elle a fait l’objet d’une première stratégie nationale, en France, en 2017 fixant des objectifs jusqu’en 2030. Les pouvoirs publics ont lancé lundi une campagne multimédia « Face à l’intolérance, à nous de faire la différence » jusqu’au 6 juin afin de « montrer la diversité des sexualités et des identités de genre et de valoriser leur acceptation pour susciter davantage l’adhésion de tous les publics ». Au menu : des vidéos diffusées à la télévision et sur internet, une campagne d’affichage, de podcasts et un nouveau site Questionsexualité.fr