© Mylan Szypura Strasbourg Eurométropole
Vingt places d’hébergement ouvrent dans le bâtiment qui accueille depuis 2016 l’une des deux « salles de shoot » françaises. Elles seront réservées à des usagers de la SCMR sans domicile et qui présentent des problèmes de santé. Une équipe pluridisciplinaire est présente en permanence.
Le 1er juillet, à l’occasion du deuxième colloque européen sur les salles de consommation à moindre risque (SCMR), l’association gestionnaire Ithaque s’est associée aux autorités de la Ville et de l’Agence régionale de santé (ARS) pour inaugurer des places d’hébergement mises à disposition des usagers.
« Ce sont les besoins des usagers qui guident nos évolutions », souligne Gauthier Waeckerle, le directeur de l’association Ithaque. Au fil de l’accompagnement des consommateurs, la problématique du logement a émergé comme un enjeu prioritaire de la prise en charge. « Les usagers de drogue sont souvent exclus des autres dispositifs : la consommation sur place est interdite dans la plupart des lieux d’hébergement, le rythme est plus cadré, les animaux de compagnie ne sont pas admis, etc. », constate le directeur d’Ithaque. Or, le logement – ou plutôt son absence – rend difficile voire impossible la prise en charge médicale et sociale. « Aujourd’hui, il est possible de guérir de l’hépatite C en deux mois, à condition de suivre son traitement correctement. Quand on habite dans la rue ou dans des squats, l’observance de ces traitements est largement compromise », souligne le docteur Alexandre Feltz, adjoint au maire en charge de la santé. Idem pour d’autres pathologies chroniques non stabilisées, voire de la traumatologie. « Ce qu’on veut faire, c’est des soins à domicile pour les personnes sans domicile… », ajoute-il.
La SCMR strasbourgeoise, baptisée Argos, est située aux abords du Nouvel Hôpital civil, dans un pavillon qui abritait jusqu’en 2008 le service de chirurgie thoracique. Elle occupe le rez-de-chaussée de ce bâtiment historique, et accueille 50 à 80 personnes par jour.
Au premier étage, six chambres (dont deux doubles) sont ouvertes depuis début juin, et permettent déjà à huit personnes de bénéficier d’un toit, d’un lit, d’une salle de bains, d’une cuisine et d’un espace convivial ouverts en permanence. Dix places supplémentaires seront proposées d’ici fin septembre, quand le chantier sera achevé.
Pour accompagner et encadrer les usagers, une équipe d’une trentaine de personnes (infirmières et travailleurs sociaux, ainsi que des psychiatres et des psychologues selon un système de permanences) se relaie 24h/24. La réduction des risques ne se limite pas à un encadrement sanitaire lors de la consommation, mais implique de pouvoir inscrire les personnes accompagnées dans un parcours de soins et de suivi social. L’hébergement compte parmi les recommandations formulées par l’Inserm dans son rapport de mai 2021 sur le bilan de l’expérimentation des deux SCMR françaises. « L’intérêt de ce lieu, c’est que les équipes sont rôdées : leur savoir-faire avec ce public est robuste et elles peuvent donc assurer un suivi et une prise en charge efficaces », apprécie le professeur Michel Hasselmann, président d’Ithaque. « Nous accompagnons souvent les usagers physiquement à leurs rendez-vous à l’hôpital, glisse Gauthier Waeckerle. Ils sont rassurés, tout comme les soignants des services. »
Pour ouvrir et financer ces places, imaginées dès 2016 par les acteurs du terrain, l’ARS a dû prendre un arrêté créant le cadre juridique de ce lieu inédit. La concrétisation du projet doit beaucoup au travail partenarial entre l’association Ithaque, la municipalité, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg, l’ARS et l’État. Les élus des autres collectivités présents au colloque ont montré un vif intérêt pour ce dispositif unique en France.
Lisette Gries