© David Nivière
Dans son rapport d’information sur la formation des professions paramédicales, rendu public le 29 juin, la députée Annie Chapelier (Agir ensemble), Iade de formation, propose de revoir l’organisation de la pratique avancée en France. Elle devrait déposer un texte de loi dans ce sens d’ici fin juillet.
Annie Chapelier : C’est un constat de rigidité qui motive ce rapport, car en France, une fois qu’on s’est orienté vers une profession, il est difficile d’en changer. Le rapport porte sur tous les paramédicaux, soit treize professions, donc environ un million de personnes. Nous avons besoin de professionnels de santé qui soient reconnus dans leur exercice ; il en découle une reconnaissance statutaire et salariale. De même qu’aujourd’hui, les professions doivent pouvoir s’articuler les unes avec les autres, ne pas se télescoper, ni fonctionner en silo. Il faut donc faciliter la transversalité et la réorientation dans la perspective de pouvoir évoluer professionnellement. Les accords de Bologne de 1999 ont acté l’universitarisation des études supérieures notamment pour offrir cette souplesse et cette transversalité entre les professions et donner des niveaux d’équivalence au sein de l’Union européenne. Mais la France a fait le choix de ne pas y inclure les professions paramédicales. De fait, l’universitarisation patine. Les infirmières sont parvenues à intégrer le système LMD, mais ce n’est pas le cas pour beaucoup d’autres. Il est donc important de mettre la situation à plat et de tendre vers une reconnaissance de niveau et de statut pour toutes les professions.
L’évolution de la pratique infirmière se décline soit autour des trois spécialités, soit de la pratique avancée, qui est purement universitaire, contrairement aux spécialités. Cette distinction est un problème car elle place les soignantes en concurrence les unes avec les autres et créée une disparité pour leur reconnaissance statutaire. C’est le cas entre les infirmières en pratique avancée (IPA) et les infirmières anesthésistes (Iade), par exemple, qui affichent une durée d’études identique et une possibilité d’autonomie comparable. Mais au niveau des grilles indiciaires, les IPA sont placées légèrement au-dessus des Iade, ce qui crispe la profession. Il faut dépasser l’idée que la reconnaissance universitaire ne doit être attribuée qu’à ceux qui sont passés par les bancs de la fac.
Il ne faut pas, selon moi, comparer l’état du déploiement de la pratique avancée entre les pays car chacun avance en fonction de la sociologie de son offre de soins. Néanmoins, je pense qu’en France nous sommes arrivés au bout d’un système car nos paramédicaux n’ont plus la possibilité d’évoluer. Il faut ouvrir des champs, ne pas forcément copier ce qui se fait ailleurs mais s’en inspirer. Et pour répondre aux besoins de santé de la population, je souhaite modifier le titre préliminaire concernant la pratique avancée afin d’y introduire les professions spécialisées.
Les IPA actuelles deviendraient des infirmières praticiennes, dont le champ d’actions serait étendu à la santé scolaire, la santé au travail ou encore la gériatrie-soins palliatifs.
Puis, toujours dans le champ de la pratique avancée, il y aurait les infirmières cliniciennes spécialisées pour les spécialités telles que les Iade, mais aussi les infirmières de bloc opératoire et les puéricultrices, lorsque leur référentiel de formation aura été révisé pour porter leur formation à deux ans.
L’infirmière clinicienne spécialisée dispose d’une technicité particulière. Les praticiennes doivent en revanche pouvoir être sollicitées en première intention, ce qui implique une modification de la législation.
Propos recueillis par Laure Martin
Un autre rapport parlementaire sur la pratique avancéeLe député Cyrille Isaac-Sibille (Modem) a présenté, le 7 juillet, les conclusions de la mission d’information sur l’organisation des professions de santé, qu’il a conduite. « À l’origine, nous devions faire un rapport commun, explique Annie Chapelier. Mais nos axes étaient différents. Je voulais travailler sur les formations socles et l’universitarisation, et lui sur l’exercice coordonné et la délégation de tâches. Nous sommes parvenus à pouvoir mener chacun une mission. » Pour la pratique avancée, Cyrille Isaac-Sibille note l’existence d’un certain nombre de freins et notamment des difficultés d’intégration et de reconnaissance rencontrées par les professionnelles en pratique avancée au sein de leurs différents lieux d’exercice. Il juge également que la rémunération des professionnelles en pratique avancée est en l’état insuffisante, surtout en libéral. |